L’île d’Orléans est-elle à vendre?

Bruno Laplante, Autour de l’île, Île d’Orléans, mars 2015

C’est la question que posent fréquemment les visiteurs après avoir constaté la quantité impressionnante de pancartes «À vendre» que l’on remarque le long du chemin Royal. Mais est-ce le cas? Si, effectivement, il y a plus de maisons à vendre à l’île, est-ce un phénomène local ou régional? Toujours si c’est exact, quelles en sont les causes? Trois questions auxquelles nous tenterons de répondre.

Plus de maisons à vendre?

La réponse courte est oui: il y a plus de maisons à vendre actuellement qu’auparavant. Au 31 décembre dernier, il y avait 24% plus de maisons à vendre qu’au 31 décembre 2003.[1] Cependant, tout n’est pas si simple. Le nombre de transactions en cours d’année est demeuré relativement stable au cours de la période étudiée, soit les 10 dernières années. Ce qui a grandement changé, c’est le délai nécessaire pour vendre sa maison. Il est passé de 116 jours en 2004 à 178 jours en 2014, soit une augmentation de 53%. Le graphique I illustre, pour l’année 2014, la hausse importante des délais pour vendre sa maison et la relative stabilité du nombre de transactions effectuées.

Évidemment, si le délai de vente est plus long, il y a une accumulation des maisons invendues. D’où le plus grand nombre de maisons qui, à un moment donné, comme au 31 décembre, sont en vente.

En janvier 2015, il y avait environ 146 maisons à vendre sur l’île (115 auprès de courtiers et probablement une trentaine indépendamment). On peut s’attendre à ce qu’un peu moins de 40% de ces maisons soient vendues au cours de cette année.[2] Ce qui nous donnerait, pour 2015, un total d’une cinquantaine de maisons vendues. Ce qui n’est pas très loin de la moyenne des dix dernières années qui est de 53,6 ventes annuellement.

 

L’île est-elle un marché spécial, particulier ou différent?

 

Là encore, la réponse n’est pas simple. Le marché de l’immobilier sur l’île ne présente pas de différence qualitative par rapport au marché immobilier de la région de Québec. La différence est quantitative. Le délai pour vendre sa maison a aussi augmenté à Québec. La situation est même légèrement pire à Québec. Les vendeurs ont dû attendre en moyenne 119 jours avant de vendre en 2014 alors que le délai n’était que de 71 jours en 2004. Cela représente une augmentation de 67%.

Tel que mentionné ci-dessus, il y a à l’île environ 146 maisons à vendre sur un total d’environ 3,000 résidences. Faible ratio? En effet, ce n’est que 4,8% des maisons qui sont à vendre. En comparaison, au Lac-Beauport, le ratio est d’environ 4,2%: une faible différence. Donc, globalement, le marché immobilier orléanais n’est pas significativement différent de celui de la grande région de Québec.

 

Pourquoi est-ce ainsi?

 

Il est facile de répondre aux deux premières questions de cet article: c’est une question de chiffres et de statistiques. Trouver les causes de ce phénomène est d’un autre ordre. Si l’on soulève la question du grand nombre de maisons à vendre, on obtient autant de réponses que d’interlocuteurs. Voici quelques hypothèses qui nous ont été présentées par messieurs Boily, Émond et Turcotte: Les acheteurs américains sont absents depuis 2009 et les Européens depuis 2010. Les Américains achetaient surtout des condominiums à Québec et les Européens des résidences à l’île. La hausse du dollar canadien a probablement contribué à faire fuir une partie de ces acheteurs. La crise économique de 2008 a provoqué chez nos voisins du sud une baisse importante de la valeur des propriétés résidentielles. Il devenait moins intéressant pour ceux-ci de se procurer une résidence secondaire au Canada.

 

Le vieillissement de la population. En raison d’une moins grande quantité de services et de l’éloignement des enfants qui n’ont pas les moyens de s’établir à l’île, il n’est pas surprenant que plusieurs personnes âgées décident de vendre leur résidence. N’étant pas pressées de vendre, elles décident d’attendre leur prix et n’abaissent pas facilement le prix demandé. La fuite des jeunes et l’absence de relève en agriculture, notamment. Il est difficile de trouver une maison à un prix raisonnable sur notre territoire. Les jeunes couples ne sont évidemment pas en mesure d’acheter leur première propriété chez nous. Ce sont là des hypothèses séduisantes, mais qui n’expliquent pas la concordance entre le marché de l’île et celui de Québec

La hausse vertigineuse des prix de vente. C’est la cause la plus fréquemment mentionnée par ceux que nous avons consultés. Il est exact que le prix des propriétés a crû beaucoup plus vite que l’inflation au cours des dernières années. Et ce, tant à l’île que dans la grande région de Québec.

 

Des maisons plus chères à l’île?

 

En ce qui a trait au prix des maisons, le graphique III démontre, encore une fois, une évolution similaire entre les marchés orléanais et québécois. Ce que l’on observe comme différence, c’est une plus grande fluctuation des prix à l’île. À au moins quatre reprises, le prix de vente des maisons a baissé sur le territoire de la MRC de L’Île-d’Orléans: en 2005, 2007, 2010 et 2013. À Québec, les prix n’ont jamais baissé.

Pourtant, pendant cette période, la valeur uniformisée des maisons n’a jamais été à la baisse. Il y a deux explications à ce phénomène. D’abord, selon M. Sylvain Méthot, évaluateur agréé: «Plusieurs constructions neuves de forte valeur ont fait leur apparition dans les dernières années ayant comme impact d’augmenter la richesse foncière plus rapidement que l’augmentation réelle du marché.» La deuxième explication réside dans le fait que les maisons se vendaient nettement au-dessus du prix de l’évaluation municipale. Même si le prix de vente a baissé, il est encore au-dessus ou égal à l’évaluation municipale. Donc, même des prix de vente à la baisse peuvent tirer vers le haut les montants des évaluations.

Selon les experts que nous avons consultés, la raison du plus grand délai de vente est principalement le prix trop élevé des maisons mises en vente. Les acheteurs se montrent moins empressés et magasinent de plus en plus. Les maisons les plus coûteuses finissent par trouver preneurs si, et seulement si, le prix demandé est raisonnable. Rappelons que la dernière transaction ayant impliqué une maison de plus d’un million de dollars est survenue… en 2002.[3]

Les courtiers consultés disent que les vendeurs ont de la difficulté à accepter leurs recommandations et ont tendance à surévaluer leurs propriétés, pour des raisons émotives bien humaines. Au bout de plusieurs mois, et même quelques années, si leurs résidences ne sont pas «brûlées»,[4] ils se résolvent parfois à baisser leur prix.

 

Que nous réserve l’avenir?

 

«La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir», disait Pierre Dac. L’ensemble du milieu se montre quand même optimiste. Avec la baisse du dollar canadien et la reprise économique aux États-Unis, les perspectives ne sont pas si mauvaises… mais à moyen terme seulement. En attendant, les vendeurs devront faire preuve de patience et de réalisme.

 

Personnes consultées:
Mme Véronique Pagé, Chambre immobilière de Québec.
Richard St-Pierre, Chambre immobilière de Québec.
Sylvain Méthot, évaluateur agréé, Groupe Altus.
Yves Émond, Rémax Référence 2000.
Michel Boily, Rémax 1er Choix.
Jean-Pierre Turcotte, Préfet de la MRC de L’Île-d’Orléans.

 

[1] Données transmises par la Chambre immobilière de Québec.

[2] Communication M. Yves Émond, courtier.

[3] La présente étude ne concerne ni les commerces, ni les fermes.

[4] Une propriété est « brûlée » si elle ne suscite plus d’intérêt ayant été trop longtemps exposée au marché.

 

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