Leçons de vie avec Yvon Gendron

Louise Lamontagne, Le p’tit journal de Woburn, mars-avril 2015

Après un accueil chaleureux, Yvon Gendron s’installe à la table de la cuisine et, avec simplicité, il raconte son histoire. Dans ses yeux, on peut voir la ferveur de sa foi et le plaisir de la partager. Son visage illuminé et son langage articulé nous apprennent une vraie leçon de vie. À son contact, une magie s’opère. On a juste envie de l’écouter. On ne voit pas le temps passer. On en ressort rempli d’énergie.

 

Ses débuts

 

Natif de Val-Racine, Yvon Gendron grandit à Notre-Dame-des-Bois. Fils de cultivateur, il apprend très tôt à travailler la terre. Il manie la hache dès l’âge de 8 ans. « J’ai coupé ma première corde de bois à dix ans, à la sciotte », dit-il. À 13 ans, il travaille aux États-Unis, comme bûcheron pendant l’hiver, et ce, pendant 7 ans. Pour lui, l’importance de ne pas perdre de temps est primordiale. Il achète une maison à Notre-Dame-des-Bois à l’âge de 17 ans. Il se marie à 19 ans avec son amour du primaire, Doris Pépin. Ils ont un garçon, deux filles et cinq petits-enfants.

« À l’âge de 21 ans, j’ai passé mon permis de conduire pour les camions et j’ai commencé ma longue carrière de 50 ans comme camionneur », raconte- t-il. Hé oui! Il a pris sa retraite à l’âge de 72 ans et 4 mois. Pendant de longues années, il était parti entre minuit et quatre heures du matin et ne revenait qu’en soirée. Son épouse s’occupait alors du bon fonctionnement de la maisonnée. Il a toujours dit que sa femme travaillait autant, sinon plus que lui. « Étant donné mes longues heures de travail, ma femme a trouvé ça dur à plein, confie-t-il. Ce qui nous a tenus ensemble, c’est que nous allions à l’Église Chrétienne

Évangélique où il faut être discipliné en tout. Dieu nous a unis et nous a gardés ensemble. Le matin, quand je me levais, j’avais toujours en mémoire la fin du psaume 121 : Dieu dit, “Je garderai ton départ et ton arrivée.” Il l’a toujours fait pendant 50 ans. » Son arrivée à Woburn Lors de l’achat de sa maison à Woburn, en 1972, Yvon Gendron demande l’avis de son épouse. Il veut que la maison soit à son goût. La première chose qu’il construit, c’est une chambre froide. Ensuite, il fait labourer une parcelle du terrain pour le potager. Le sarclage pour enlever tout le chiendent prend un mois.

L’application du fumier et le bêchage complètent la préparation du potager. Quand vient le temps des semis, le couple se complète. Chacun a ses forces et le travail est bien fait. La rotation des légumes dans la planification du potager est importante. Yvon Gendron a son plan en tête. Il a tenté plusieurs expériences, mais maintenant, il s’en tient aux valeurs sûres. « J’aime tout faire dans le jardin, même sarcler les mauvaises herbes, car elles sont les ennemies prioritaires à éliminer. Je m’en sers pour faire du compost, rien ne se perd. »

Yvon Gendron fait lui-même son compost, qu’il divise en trois parties pour l’utiliser en alternance. Il nous donne sa recette : « Mon compost est à l’air libre. Il contient de l’herbe de parterre, des feuilles, des pelures de légumes et de fruits, des mauvaises herbes, de la sciure de bois dur, etc. Quand je suis dans mon jardin, j’oublie tout. Ça me libère l’esprit et la journée passe aussi vite que lorsque j’étais camionneur. J’ai le temps de réfléchir. Je suis tellement concentré, que ma femme est obligée de crier par deux fois pour que j’aille manger. »

 

Le potager

 

La principale raison de faire un potager, c’est d’avoir des légumes frais toute l’année, selon Yvon Gendron. « Les légumes de mon jardin ont bien meilleur goût que ceux du magasin parce que je ne mets aucun produit chimique. » Depuis environ dix ans, Yvon Gendron a découvert l’ail. Il recommande d’ailleurs à ce sujet la lecture du livre Les vertus de l’ail de Geneviève Pelletier. « C’est tellement facile l’ail. Tu le sèmes à l’automne et il sort au printemps en même temps que la rhubarbe. Ce n’est pas beaucoup d’ouvrage. Les carottes, les oignons et l’ail vont bien ensemble. Parce que l’ail et les oignons font fuir les parasites qui s’attaquent aux carottes. Le potager, c’est une façon d’être autonome », confie-t-il. La récolte a été bonne cette année avec plus de 1 500 livres de pommes de terre. « Mes enfants en prennent tant qu’ils en veulent et j’en donne à ceux qui en ont besoin. »

Quand il pense à tout ce qu’il a accompli depuis son arrivée à Woburn, il se dit satisfait. « On a vécu heureux ici. On a aménagé ça du mieux qu’on a pu, on a vu grandir nos arbres. On ne vit pas dans un château, mais c’est notre maison. »

Quand vient l’automne, il y a encore du pain sur la planche. « À la fin d’octobre, je bêche mon jardin, car les insectes sont entrés dans la terre pour l’hiver. En bêchant, ça les fait sortir, ils gèlent et ils meurent. Je mets une couche de compost pour l’hiver, et au printemps, j’en remets une autre, avant de le bêcher de nouveau. »

 

L’après-saison

 

Durant l’hiver, il participe aux activités de la FADOQ. Il cuisine beaucoup aussi, car il aime bien préparer une bonne soupe. « Dans les cinquante ans où j’ai travaillé, j’ai pris seulement deux repas au restaurant. Quand on était jeune, on aurait pu manger n’importe quoi, mais on n’avait pas d’argent pour l’acheter. Aujourd’hui, on a l’argent pour l’acheter, mais on ne peut plus le digérer. » En plus de la lecture, il trouve toujours quelque chose à faire pour passer le temps. « Je suis bien chez nous, dans ma maison, sur mon terrain, dans mon jardin. »

Il espère avoir transmis sa passion et ses connaissances à ses enfants et à ses petits-enfants. « Mes enfants restent en ville, ils n’ont pas assez grand de terrain. Mais les enfants ont vu ce qu’on faisait. Donc je pense qu’ils l’ont retenu. Tout ce que j’ai appris dans ma vie, je l’ai appris des autres. On apprend, à les voir travailler, on apprend, à parler avec eux. On connaît plus un homme à travailler une journée avec lui qu’à lui parler toute une année. »

Peu de temps après avoir pris sa retraite, Yvon Gendron a appris qu’il était atteint d’un cancer. Le médecin lui a alors demandé s’il croyait en quelque chose. Voici sa réponse : « Si tu voyais la flamme dans mon cœur, ça te brûlerait. Le feu prendrait après toi. » Âgé maintenant de 76 ans, il poursuit : « Ça s’est passé il y a maintenant quatre ans et je suis encore en vie. C’est tout un cadeau! » Cette rencontre avec Yvon Gendron a transformé une simple entrevue en plusieurs leçons de vie. « Ma plus grande richesse, conclut-il, c’est de rencontrer du monde. Plus je rencontre du monde, plus je m’enrichis. Il y a toujours quelque chose à apprendre de tout le monde et de toutes les classes de la société. Les classes de la société, avec moi, y’en a pas. C’est la valeur de l’Homme qui compte. »

 

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