Le guitariste Michel Beauchamp et la réalisation d’un rêve

Gisèle Bart, Le Journal des citoyens, Prévost, le 19 mars 2015

Le samedi 21 février, à Prévost, nous avons eu le privilège d’assister à une première, la concrétisation d’un rêve de dix années du guitariste Michel Beauchamp. Il s’agissait de jouer à la guitare les transcriptions, intégralement faites par lui, d’oeuvres classiques espagnoles écrites au départ pour orchestres, cordes ou piano.

Pour ce faire, il avait formé le Trio Iberia composé de la violoniste Johanne Morin, de la violoncelliste Caroline Milot ce soir-là et de lui-même. Un merci spécial au LCC, un regroupement d’anglophones qui se réunissent régulièrement pour échanger, merci pour leur partenariat annuel, et ce, depuis cinq ans.

Comme le dit si bien M. Yvan Gladu, si « la réalisation d’un rêve est une fenêtre qui s’ouvre au soleil pour que fleurisse l’âme…» nous avons été témoins de l’un de ces essors. Rayonnant de bonheur, jovial dans ses présentations, M. Beauchamp fut prodigue en instructifs commentaires sur les compositeurs choisis ainsi que leurs œuvres. Ce fut un concert de velours et de soie, une guitare et ses notes enveloppées d’une chape, le son des cordes et sublimissimes vibrati. Un concert feutré, surtout la première partie. Fandango de Boccherini, danse populaire adaptée en musique classique, agrémentée de quelques « vivaldismes ». Asturiana de Falla, un lourd chagrin exprimé par un violoncelle déchirant, pleuré par une touchante guitare. Arabesca, Oriental et Andaluza de Granados, multiculturalisme d’un pays où se sont croisées pendant des siècles moultes civilisations, occasion d’émouvants dialogues entre les deux instruments à cordes en parfaite harmonie, puis l’exubérante intrusion d’une guitare embrasée. Nana de Falla, « une berceuse si triste qu’on l’eût crue écrite pour un enfant mort », violon seul avec larmes de guitare que l’on entend tomber une à une. Danse no1 de La Vida Breve de Falla, le désespoir d’une gitane délaissée.

La deuxième partie s’avéra moins tranquille. Une danse virile, Farruca de Falla. Du rebelle enfant prodige Albeniz, une trilogie de trois villes, Granada, Cordoba et Sevilla, œuvres de l’époque surnommée «nationalisme ». Quant à Asturica, jouée à la guitare par M. Beauchamp resté seul, notes répétitives comme une incantation, accords plaqués répétés, si le piano m’interpelle souvent intellectuellement, si le violoncelle s’adresse directement à mon âme et le saxophone à ma peau, c’est en plein cœur que j’ai reçu cette pièce.

Enfin, de Falla, ce guitariste réfugié en Argentine durant le régime de terreur de Franco en Espagne, la Danse ensorcelante d’une gitane. Au rappel, un extrait de Carmen écrit et composé respectivement par Mérimée et Bizet, ces deux Parisiens qui bravèrent enfin les Pyrénées pour découvrir la culture espagnole.

Il a fait bon se replonger dans l’eau calme ou tumultueuse de ces airs, les réentendre ainsi renouvelés, assister à la réalisation d’un rêve, «… en respirer le parfum…»
 

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