Jean-Marc Fournier, Le Montagnard, Saint-Tite-des-Caps, mars 2015
Comme bien d’autres, je présume, je pensais indiquer dans mes dernières volontés comment je voudrais qu’on dispose de ma dépouille après mon dernier soupir, simplement, sans scrupule malsain, sans ambages, sans suites onéreuses.
Si j’avais été un ébéniste habile, j’aurais pu sans doute fabriquer un cercueil de belle apparence qui eût été sans humiliation pour mes proches, me suis-je dit. Si j’avais su développer de meilleures dispositions à manier les gouges, j’aurais certes pu sculpter ma dernière bière oblongue, carrée ou circulaire, selon l’inspiration de ma fantaisie. Oh! si j’avais su cumuler une grande fortune, hein! J’aurais pu exiger que mon corps soit incinéré et que mes cendres soient dispersées dans le cosmos pour un voyage dans l’éternité!
Un monsieur à la démarche pompeuse, vêtu comme une carte de mode, à la façon d’un croquemort d’antan, est venu à plusieurs reprises, comme une obsession, me vanter les avantages indiscutables (sic) des pré-arrangements funéraires, faisant ressortir avec éloquence les sculptures qui ornent les mausolées modernes, la Dame aux Roses en acajou qui ne manquerait pas de son regard immortel de ranimer la douce souvenance de mon passage sur la terre, les cryptes serties dans le marbre de l’Olympe pour conserver mes cendres dignement pour la postérité, les plantes exotiques qui parfument l’ambiance de leurs aromes d’arrière-saison… Foutaise! Si j’avais su distribuer davantage des marques d’amour autour moi! Si ma générosité s’était mieux manifestée efficacement et dans la discrétion pour soutenir ceux qui étaient dans le besoin! Si mes obsèques avaient pu rappeler à ceux et celles qu’elles rassemblent toute l’importance de l’amour! Si le souvenir d’actions tangibles posées de mon vivant était devenu contagieux même après mon trépas!
Puis, je suis soudainement sorti de mon cauchemar macabre après une nuit de sommeil agitée. Je vis! Je peux donc encore maintenant faire partager ma joie de vivre. Je peux aider les autres à être heureux. Je peux donc me rapprocher davantage de la vie en me découvrant moi-même et en connaissant mieux mon prochain.
Que ma dépouille soit enchassée dans une tombe en cuivre scellée pour l’inhumation, qu’elle soit soumise à la flamme de la crémation avec un décorum factice, que l’on pleure ma mort ou qu’on profite de l’occasion pour chanter, danser ou se dire des ragots; quelle importance? L’essentiel n’est-il pas de bien vivre le moment présent, en mettant à profit toutes les ressources dont on dispose?
Mille regrets… je n’aurai pas le temps de tout faire, surtout pas d’aller signer « mon contrat » au Parc Commératif!