Le hockey des années 50-60

André Gingras, Le Tartan, Inverness, février 2015

Il n'y avait pas de toit, il n'y avait pas de bandes, il n'y avait pas de surveillant, il n'y avait pas… il y avait si peu, mais les p'tits gars s'amusaient, ils étaient débrouillards et voulaient s'amuser. Le hockey des années 50-60, un sport de p'tis gars délurés! Pour les plus âgés le mot hiver est synonyme de « misère », les déplacements sont difficiles, la nature est désagréable, etc. C'est le froid et tous ses inconvénients. Mais pour les plus jeunes, la neige et la saison froide resteront toujours encore une période de plaisirs et d'activités différentes.

Nous avions tous hâte de patiner un bâton à la main, les yeux fixés sur la rondelle. Tout a commencé, pour moi, fin des années cinquante, alors que la patinoire était dans la côte de Gosford (emplacement actuel de la maison de Raymond Gagné). Elle était bien modeste, 25 sur 50 pieds au maximum, mais ces dimensions réduites nous permettaient quand même de jouer et de pratiquer notre sport favori. Une source au bas du talus en arrière de l'épicerie et du garage de Fernand Turcotte fournissait l'eau. Rien d'organisé, seulement un père ou un autre qui arrosait la glace naturelle afin de la faire grandir et la rendre la plus belle possible.

Certains d'entre nous, les plus téméraires, amenaient aussi leur traîneau et n'avaient pas peur de se lancer dans la fameuse côte de Gosford, à partir de la rue Dublin. Leur audace les envoyait souvent jusqu'au garage municipal d'aujourd'hui. Il va sans dire qu'à l'époque il n'y avait aucun abrasif et qu'il y avait bien peu d'automobiles. Un terrain vague, une rue, c'était le centre sportif d'hiver.

La construction de l'école « centrale » (Jean-XXIII en 1963) déplaça le centre d'attraction. Une patinoire neuve fut aménagée à l'occasion des travaux. Elle était bien plus grande, elle était plus à notre taille et surtout à celle de nos ambitions d'adolescents. Elle brillait d'un luxe inespéré: elle était éclairée.

Inverness avait d'ailleurs adhéré à une ligue régionale de hockey, la ligue Bécancour, où évoluaient trois autres équipes : Ste-Anastasie, Lyster et Laurierville. L'équipe d’Inverness, le G.B. Trophées était dirigée par Raymond Bergeron (coach), le maître de poste. Y évoluaient entre autres, Jacques Vachon, Robert et Alain Jutras, les frères René, Réal et Serge Gingras (les gros bras!), mon frère Gérard, Michel Côté, Jacques Tardif, Vital Poulin (directeur de la succursale de la Banque Royale,) les frères Gérard et Armand St-Pierre. En somme, à quelques exceptions près, tous des gars de 16 à 24 ans.

Les chandails et les bas bleus, fournis par le généreux commanditaire Gérald Bizier étaient pour les jeunes des emblèmes de fierté, des trophées en eux-mêmes. C'était presque un passage dans une ligue majeure.

Les grands matchs se déroulaient les dimanches après-midi. La glace était préparée avec grand soin par des adultes, pères ou bénévoles sportifs, le dimanche matin.Mais pour moi qui étais plus jeune et espérais jouer un jour dans un grand club, il n'y avait pas une journée où je ne chaussais mes patins. La première patinoire et même celle de l'école, nous devions la « gratter » avant de jouer. Nous trouvions cela bien normal car nous n'étions pas seuls (toujours au moins une dizaine) et plus souvent qu'autrement il manquait de pelles, mais jamais de détermination.

Après le nettoyage, les équipes se formaient et ensuite nous pouvions jouer des heures même si le froid était mordant. Habituellement, en semaine les équipes étaient formées de garçons du village. Le vendredi soir, les samedis et dimanche venaient s'y ajouter les gars de la paroisse de même que plus souvent qu'à leur tour les plus « vieux » tels que Jacques Vachon, Michel Côté, Alain et Bob Jutras qui ne pouvaient pas passer leur chemin.

Les têtes que l'on voyait le plus souvent étaient Michel et Gilles Roy, Alain Chevrier (gardien de but), Yves Côté, Pierre et André Laroche, Gérard Paquet, Claude St-Pierre, Luc et Clément Poulin, Jean Fra-dette, Jean et Yves Turcotte, Normand et Florent Fortier, etc. En somme, assez pour former deux équipes complètes mais pas trop pour avoir toujours la possibilité de demeurer sur la glace (6 de chaque côté). Ça se passait presque toujours ainsi : les deux meilleurs se désignaient capitaines et chacun leur tour puisaient parmi les candidats. Les plus rapides étaient retenus d'abord, ils formaient la ligne d'attaque, les moins doués la défense, le plus corpulent se retrouvait souvent entre les poteaux.

Le gardien de but était un poste difficile à combler. Son équipement d'abord, celui que nous connaissons actuellement, nous ne l'imaginions même pas. Comme jambières, nous avions des catalogues Eaton, Simpsons ou Sears attachés sur les tibias à l'aide d’une corde, ce qui amortissait bien la rondelle compte tenu de la force des lancers que nous avions à l'époque. En deuxième lieu, ce joueur était plus immobile, ce qui faisait en sorte que le froid l'affectait plus, il devait être « rembourré naturellement ». Alain Chevrier occupait souvent ce poste car de plus il n'avait pas peur d'affronter les tirs. Les attaquants et les défenseurs n'avaient que l'attirail minimum. Nous n'avions pas de casque protecteur, de toute façon, je crois que ça n'existait pas. Les bâtons de hockey coûtaient moins de un dollar. Plus tard sont apparus des bâtons dont la palette était recouverte de fibre de verre, ce qui prolongeait la vie de l'équipement mais ils coûtaient le double, deux dollars. Il va pas sans dire que nous faisions bien attention de ne pas briser notre bâton car nous étions bien avertis : un hockey par hiver!

Dans les premiers temps, nous étions habillés tout simplement avec des mitaines de laine qui gelaient une fois mouillées, nos manteaux d'hiver ou de grands chandails qui cachaient toutes les couches de vêtements. Vint un temps de raffinement où l'on a voulu identifier chaque joueur! Évidemment tout le monde voulait porter le célèbre numéro 9 celui de Maurice Richard ou encore le 4, celui de Jean Béliveau. Eh oui, Maurice le « rocket » n'a pas influencé que nos parents et les partisans du Canadien de Montréal mais tous les petits gars qui jouaient au hockey. Habituellement le meilleur du groupe portait le 9, le second, le 4. Ces numéros étaient devenus des symboles fétiches dans le Québec de ce temps, même en dehors du sport : comme quoi…

Nous avons passé de bons hivers à deux pas de chez nous, la vie, les distractions étaient si simples.

 

classé sous : Non classé