La route du déficit

Christiane Dupont,
Journaldesvoisins.com,
Montréal, février 2015

La réponse que fera le gouvernement du Québec à la demande de parachèvement de l’autoroute 19 se trouve-t-elle dans le nouveau partenariat que Québec vient d’établir avec notre Caisse de dépôt et placement (CDPQ) pour bâtir des infrastructures québécoises? Nous n’en serions pas autrement surpris.

Fort des deux études environnementales – celle du BAPE et celle de son ministère – et de leurs recommandations, quelle recommandation le ministre de l’Environnement fera-t-il au cabinet d’ici peu? Bien malin celui ou celle qui pourrait le prédire.

Plusieurs résidants et organismes d’Ahuntsic ne sont pas en accord avec ce projet de parachèvement de l’autoroute 19 et l’ont démontré en participant aux audiences du BAPE il y a quelques mois. Ils croient que la circulation automobile va augmenter sur ces nouvelles voies rapides et, par ricochet, dans le quartier.

 

Enjeu majeur

 

Ce n’est pas d’hier que la circulation de transit constitue un enjeu majeur sur notre territoire. Ahuntsic-Cartierville est l’un des arrondissements de Montréal où il y a le plus d’accidents piétons et automobilistes. Un arrondissement où la sécurité des piétons est quotidiennement menacée. Cet ajout de voies rapides, que ne manqueront pas d’utiliser les banlieusards, n’améliorera pas la sécurité des résidants de l’arrondissement.

De plus, il n’est pas prévu que ce soit une autoroute payante utilisateurs- payeurs. Alors que Québec prône « la rigueur » budgétaire, va-t-il dépenser 600 M$ provenant de tous les contribuables québécois pour une route qui ne desservira qu’une infime portion de la population, sur huit kilomètres seulement? Encore si c’était une route seulement pour favoriser le transport en commun, mais ce n’est pas le cas.

Avec de nouvelles et modernes voies rapides agrandies, la proportion de banlieusards qui utiliseraient leur véhicule pour venir à Montréal resterait la même? Je ne parierais pas trop là-dessus et sur le fait que les adeptes du transport en commun seront plus nombreux…

En effet, pourquoi les gens de la Rive-Nord qui patientent actuellement dans leur véhicule aux heures de pointe, pour entrer à Montréal, décideraient avec une belle autoroute dégagée, tout à coup, de venir travailler en autobus? Si la voie est libre, pourquoi n’utiliseraient-ils pas leur voiture? Et exit le transport en commun…

Par ailleurs, si on réfléchit aux conséquences financières de ce projet de parachèvement, il faut considérer ceci. Tous les contribuables vont devoir casquer si Québec décide de s’engager dans ce projet, tandis que si le gouvernement retenait l’idée d’un boulevard urbain, la nouvelle infrastructure serait défrayée par les résidants de l’endroit.

À moins que Québec n’accouche justement d’un partenariat avec la Caisse, comme un lapin sorti d’un chapeau, pour éviter que la galerie ne s’offusque des dépenses astronomiques… Des utilisateurs des voies actuelles disent que circuler sur ces routes est infernal, car l’heure de pointe n’en finit plus. Qu’il est enrageant d’y rouler actuellement en voyant de grands champs vides de chaque côté. Si le projet de parachèvement se réalise, il n’y aura bientôt plus de champs…

Parions que les enchères vont monter et que les terrains seront vendus aux promoteurs immobiliers (si ce n’est déjà fait), eux qui attendent de construire d’immenses centres commerciaux, comme cela arrive la plupart du temps le long des autoroutes.

Comme Ahuntsicoise, je suis contre ce projet. Si les résidants de la Rive-Nord et des autres quartiers de Montréal – dont le maire Coderre, qui habite Montréal-Nord et qui est en faveur du projet – habitaient le quartier, nul doute qu’ils le seraient, eux aussi! Mais, comme dirait l’autre, on a la philosophie de nos moyens…

Le maire de Bois-des-Filions, Paul Larocque, dit que ça fait 40 ans qu’une telle route a été promise. Liberté 55, aussi!!! Combien sommes-nous à travailler encore après 55 ans? Les temps changent et il arrive parfois que des promesses ne peuvent être tenues, car les circonstances l’exigent.

Finalement, ce prolongement de route payée par tous les contribuables pour les gens des banlieues nord est loin d’être un concept innovateur quand on veut garder les résidants de Montréal sur l’île et faire venir les autres. La cerise sur le sundae : la voie prévue pour les cyclistes sur ce prolongement de l’A-19 n’aboutirait pas plus sur le pont Papineau-Leblanc que maintenant. Sommes-nous en 2015, vraiment? C’est à l’encontre de l’amélioration de notre environnement et du développement durable. C’est le contraire de la logique et de la rigueur budgétaire prônée par Québec.

 

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