Coup d’œil sur la recherche en Gaspésie

Geneviève Gélinas. GRAFFICI, Gaspésie, février 2015

Ces 15 dernières années, la péninsule s’est dotée de quatre centres de recherche sur la plupart de ses principales activités économiques : forêt, éolien, pêche et aquaculture. Malgré leurs retombées sur la vitalité de la région, le sort d’une partie de ces organismes demeure précaire.

«Sur huit employés, j’en ai cinq avec des maîtrises ou des doctorats, deux bacheliers et un technicien», s’enorgueillit Eduardo Bittencourt, directeur du Consortium en foresterie Gaspésie-Les-Îles. Leur mission : « être le pivot régional du savoir forestier ». « La Gaspésie est une péninsule avec l’influence de l’océan. C’est un endroit unique et ça prend des connaissances particulières, estime M. Bittencourt. On ne peut pas appliquer des formules d’ailleurs, dire qu’en Abitibi, c’est comme ça, donc on soupçonne que chez nous aussi. » Grâce au Consortium, la région peut « prendre des décisions beaucoup plus éclairées », juge le directeur.

Des 90 employés de Merinov au chevet de la pêche et de l’aquaculture, 75 sont basés en Gaspésie. Le budget de 8 M$ retombe donc en bonne partie ici. Autre gain, inchiffrable : « on tente de rendre l’industrie encore plus concurrentielle, indique le directeur par intérim, Michel Cotton. Et on est avant-gardiste, ajoute-t-il. On s’est retrouvés dans des revues spécialisées européennes grâce à un projet d’inventaire d’algues avec des drones sur la Basse-Côte-Nord. »

Le CIRADD (Centre d’initiation à la recherche et d’aide au développement durable) fait aussi parler de lui hors région : il reproduit en Abitibi une étudeur les besoins en transport collectif déjà menée en Gaspésie. Le CIRADD pallie en partie à l’absence d’université sur la péninsule en offrant ses services à la collectivité.

Il permet aussi à des cégépiens de faire leurs premiers pas en recherche. La proximité des parcs éoliens, concentrés en Gaspésie, et du TechnoCentre « amène une bonne connaissance des réalités du terrain », juge le directeur, Frédéric Côté. L’organisme attire et retient aussi en région des cerveaux et leurs rejetons. Les familles des 20 employés du TechnoCentre ont vu naître huit bébés en un an, aime rappeler M. Côté. « Ça dynamise un milieu de vie ! »

 

Incertitude

 

Il ne suffit pas de se montrer utile pour durer. Le Consortium est « à 100 % dans l’incertitude » sur son financement 2015-2016. La Conférence régionale des élus (CRÉ), qui le finançait, est abolie. Une contribution de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) était liée à celle de la CRÉ. Quant au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, il doit dorénavant fonctionner par appel d’offres. Résultat : en 2013-2014, le Consortium n’a obtenu que 30 000 $ des 100 000 $ réservés à la recherche forestière sur la Gaspésie. Il s’est fait damer le pion par des centres hors région aux expertises plus pointues. « On est désavantagés parce qu’on est spécialistes de la région, mais des généralistes quant aux sujets », déclare M. Bittencourt.

Le problème de fond, c’est le financement par projet, analyse M. Bittencourt : « On est rendus dans une dynamique de firme de consultants : s’il y a des projets financés, on a de l’argent, sinon, pas d’argent. Comment faire pour garder des gens spécialisés ? » Merinov possède des dizaines de millions de dollars d’équipements à la fine pointe. Cette infrastructure le rend vulnérable.

« On a besoin de contributions à long terme pour payer l’administration, les loyers, l’entretien, les bâtiments », énumère M. Cotton, des frais que « personne ne veut payer ». La « ligne de vie » de Merinov, son entente avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, vient à échéance le 31 mars prochain. « On est en négociation », se contente de dire M. Cotton. Le TechnoCentre doit aussi chercher constamment des fonds – ses conventions avec les bailleurs de fonds durent entre un et trois ans –, mais le tolère mieux. L’organisme génère 42 % de ses revenus grâce à la vente d’électricité de ses deux éoliennes de Rivière-au-Renard (qui servent à expérimenter en climat froid) et aux entreprises qui ont recours à ses services pour leurs projets de recherche.

Quant au CIRADD, il est avantagé par sa structure plutôt légère; la contribution du Cégep de la Gaspésie et des Îles comble près de la moitié de son budget.

 

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