Une taxe solidaire

Thierry Haroun, GRAFFICI, Gaspésie, février 2015

Abandonnée par Québec, la Gaspésie-les-Îles doit se prendre en main pour assurer son avenir. Et cela passe par du courage, un véritable courage qui doit se traduire par l’action. Et l’action, c’est quoi ? Deux choses : une taxe solidaire et un nouvel organisme qui s’appellerait le Conseil des élus de la Gaspésie-les- Îles, le CÉGÎ.

Les manifestations, c’est bien. Exprimer sa colère face aux mesures d’austérité du gouvernement Couillard (ça sent le gouvernement Harper version la Belle Province) est nécessaire, tout autant que l’est la publication de lettres ouvertes. Seulement voilà, ces gestes d’éclat ne créent pas pour autant des emplois ni un fonds pour initier des projets, voire une cohésion régionale autour d’une vision commune. On y est. La décision de Québec de mettre fin aux CRÉ (Conférences régionales des élus) a un objectif très clair : terrasser ces gouvernements régionaux pour mieux régner depuis Québec. Les CRÉ, aux yeux du gouvernement Couillard, sont des cailloux dans ses souliers : fatigant, d’avoir un porte-parole par région qui représente toutes les municipalités et les aspirations d’un territoire. Un peu trop pesant au goût du premier ministre et de ses stratèges sans scrupules. Alors on coupe à blanc. Conséquence ? Les préfets ou les maires iront plaider leur cause un à un, à genoux (comme on monte les marches de l’Oratoire Saint-Joseph) à Québec pour financer tel ou tel projet, faisant ainsi la manche. Le retour à l’esprit de clocher? Plusieurs élus l’ont évoqué. Et pas seulement des élus. Le président du Conseil de la culture de la Gaspésie, Pierre Michaud, a fait un discours poignant lors de la réunion de la CRÉ de décembre dernier. Il craignait qu’avec la fin de cet organisme, on en vienne au « chacun pour soi, au plus fort la poche ! » Bien dit.

Heureusement qu’il y a parfois des artistes comme lui qui nous rappellent à notre devoir de cohésion et de mémoire. Donc le slogan « Debout Gaspésiens ! », qu’on aime tant brandir quand ça va mal, ne doit plus être qu’un slogan. Il doit désormais être accompagné d’une action commune à deux branches : l’argent et la politique. Ainsi, chaque municipalité verserait annuellement 1 % de son budget dans un fonds régional. Une taxe solidaire. C’est de l’argent qui restera ici et on sait que chaque dollar investi en génère deux, voire trois autres. Calcul rapide : additionner 1 % du budget de New Richmond, Chandler, Sainte-Anne-des-Monts, Gaspé et Carleton nous donne plus de 570 000 $. Il reste une trentaine d’autres municipalités. On atteint rapidement les sept chiffres. Ce fonds serait géré par le CÉGÎ qui prendrait la relève de la Table des préfets.

Sa présidence serait assurée par nos préfets en alternance avec des mandats d’un an. Le CÉGÎ aurait une permanence de trois ou quatre employés issus de l’actuelle CRÉ. Il y a là une expertise qu’on ne doit pas perdre. Ce fonds régional servirait à payer les salaires de la permanence et la plus grande partie ciblerait le financement (en tout ou en partie) de projets dans trois créneaux qui nous rassemblent : la culture (festivals, etc.), le communautaire (banques alimentaires, alphabétisation, etc.) et le tourisme. Il est clair qu’on ne peut pas tout financer, mais ce serait déjà ça. Le CÉGÎ, auquel se grefferaient des représentants de groupes citoyens de chaque MRC et les chambres de commerce, se réunirait une fois par mois en alternance dans chaque MRC. Le CÉGÎ viendrait non seulement en appui à des projets créateurs d’emplois, mais il serait aussi notre gouvernement et interlocuteur privilégié face à Québec et Ottawa. Il parlerait d’une seule voix à travers des prises de position communes sur des enjeux qui nous sont propres. Une nouvelle CRÉ, à nous, qu’on ne pourra pas nous enlever. À l’évidence, Québec n’appréciera pas. Tant pis. Un événement extraordinaire réunissant tous nos élus se tiendra à Bonaventure en février. Qu’en sortira-t-il ? De l’action ou de bonnes intentions? Ne cédons pas à la volonté de Québec, soyons fiers et fidèles à nous-mêmes. Ça passe ou ça casse, les amis, le mois prochain… À suivre.

 

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