Acceptabilité sociale: pu capable!

Lynda Forgues, Droit de parole, Québec, décembre 2014

On n’est plus capable d’entendre l’expression « acceptabilité sociale ». Il y a quelques années, les compagnies l’utilisaient pour faire la promotion des gaz de schiste. Petrolia et les partis politiques l’ont susurré pour Anticosti.Trans Canada et Enbridge en abusent pour défendre leurs projets polluants. Ce n’est pas qu’en environnement mais aussi en développement urbain que ce concept fait des ravages.

 

À qui ça sert l’acceptabilité sociale ?

 

Quand les entreprises privées ou les gouvernements parlent d’acceptabilité sociale, c’est pour dire : « les gens n’ont pas encore compris, il faut les éduquer. » Il faut rendre acceptables les projets que contestent les citoyens et les communautés concernés. Le Conseil du patronat a même un guide sur l’acceptabilité sociale, un guide pour faire avaler aux gens des décisions qui viennent d’en haut.

Comme l’écrivait Bruno Masse dans Huffington post en 2013 : « La prémisse méprisante des compagnies privées est que l’opposition des citoyennes est largement due à un manque d’information, puisque ceux et celles-là ne seraient pas qualifiés pour se prononcer sérieusement sur quoi que ce soit. » Le Conseil du patronat, puisqu’il s’agit bien sûr d’une tactique de boss, estime que la résistance citoyenne ce n’est pas la démocratie en action, c’est un problème économique à régler. Que ce soient des consultations publiques, des conférences de presse, des manifestations, des actions médiatisées qui portent les journalistes à questionner, ça dérange le projet, car ça crée de l’incertitude chez les investisseurs et, pour les patrons, il n’y a rien de plus plate que l’incertitude chez les investisseurs, lorsqu’un projet est en cours.

Alors que faire? Que veulent faire les patrons et les gouvernants contre la prise de parole et la prise de conscience des communautés ? Il faut rassurer ce bon peuple. Lui faire croire qu’on lui donne la parole. Le maire Labeaume est un bon exemple de ces politiciens qui ont toujours déclaré savoir ce qui est bon pour les gens et qui rechignent à les consulter; selon ces dirigeants, les citoyens sont trop peu qualifiés pour se prononcer sur ce qui les concerne. Ils savent trop bien qu’en fait les gens comprennent ce qui se passe et que c’est pour cette raison que la résistance s’organise.

 

Comment se prépare l’acceptabilité sociale?

 

Pour les pouvoirs, il importe de mettre en place – où il n’y en a pas déjà – une structure où les gens auront l’impression d’être consultés publiquement, mais sans processus démocratique. Un BAPE peut faire l’affaire, pour l’environnement, comme un conseil de quartier, pour les choses municipales, surtout quand, en plus, on vient y promettre un beau gros PPU.

Les citoyen-nes mettront énormément de temps et d’énergie dans cet exercice prévu par le pouvoir, afin de faire valoir leurs points, exercice au cours duquel ils n’auront aucun pouvoir décisionnel. S’ils refusent de participer on les accuse d’être mauvais joueurs et de ne pas saisir la chance qui leur est offerte, s’ils participent, de bonne foi, ils peuvent même avoir l’illusion de faire partie de la prise de décision. C’est de l’ordre du spectacle, de la bonne grosse oreille sympa, du micro tendu au citoyen, tout aussi efficace que la période de questions au Conseil municipal, c’est tout dire. Ensuite, va t’asseoir. Le projet peut continuer, on a assuré ses arrières morales.

 

Pourquoi toujours ces idées imposées d’en haut?

 

Dans une ville comme Québec, faire croire à la démocratie municipale c’est vraiment de l’hypocrisie; les citoyennes n’ont à peu près aucun pouvoir, le conseil municipal dans son ensemble ne protège pas les citoyennes, ni même le territoire, et n’est qu’un partenaire actif de l’entreprise privée et des promoteurs. Dans cette situation, c’est par des mobilisations citoyennes et des organisations à la base que s’exerce la véritable démocratie.

Le concept d’acceptabilité sociale ne vient pas de la base. Ni des citoyennes de Saint-Roch, ni de ceux et celles de Saint- Sauveur. Les organisations de défense des gens ne devraient pas se laisser leurrer par les discours du pouvoir ni faire siens les concepts des patrons. Ce qui est inacceptable, ne l’est pas plus si présenté avec des gants blancs.

Irait-on jusqu’à parler d’acceptabilité sociale pour faire passer la démolition du Centre Durocher ? et pour vendre un projet de logements en lieu et place du centre communautaire ?

 

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