Des musées en mouvement!

Annie Landreville, Le Mouton NOIR, Rimouski, novembre-décembre 2014

Au Bas-Saint-Laurent, deux institutions ont pour mission de diffuser l’art contemporain : le Musée régional de Rimouski et le Musée du Bas-Saint-Laurent à Rivière-du-Loup. À la barre de ces deux musées, deux femmes, nouvellement arrivées dans la région. Beau prétexte pour parler de ce fabuleux patrimoine en art contemporain que la région a la chance d’avoir, mais aussi de faire le point sur les défis auxquels font face nos musées.

 

État des lieux

 

En 1975, à Rivière-du-Loup, on inaugurait le Musée d’archéologie de l’Est du Québec. Sa vocation : la photographie ethnologique, une mission qui est toujours bien présente, puisque l’institution, devenue aujourd’hui le Musée du Bas-Saint-Laurent, possède un important patrimoine d’images du passé provenant d’une vingtaine de fonds, autant de témoignages de la vie de ce coin de pays.

Mélanie Girard, arrivée en poste l’hiver dernier après dix ans au Musée des Ursulines de Québec, se dit « surprise et ravie de la qualité de la collection en art contemporain d’artistes québécois ». Son expertise est complémentaire à celle de la conservatrice Rébecca Hamilton, qui elle, est spécialisée en art contemporain.

Ouvert depuis 1972 et complètement rénové en 1994, le Musée régional de Rimouski est installé dans la première église de pierres construite à Rimouski.

La nouvelle directrice, Francine Périnet, qui arrive de Toronto, où elle habitait depuis plusieurs années, connaissait bien le Musée avant d’y occuper son poste. Elle l’avait déjà visité, a bien connu quelques-uns de ses directeurs et confesse être en train de découvrir l’institution, puisqu’elle est entrée en fonction seulement au début de l’été. « Je n’ai pas fini de le découvrir, et ce qui me frappe ici, c’est l’ouverture d’esprit des gens, mais ce qui m’a surtout ravie en arrivant ici, c’est la vitalité culturelle de la ville. »

 

Soutien du milieu : pour le meilleur et pour le pire

 

Les deux institutions ont tissé, au fil des ans, des liens solides avec leur milieu, en collaborant avec plusieurs organismes qui partagent leurs champs d’intérêt. Entre autres, Voir à l’Est du côté de Rivière-du-Loup et Caravansérail du côté de Rimouski. Expertise, présence au conseil d’administration, projets en commun, ces collaborations sont essentielles pour faire circuler les idées… et les expos : « Notre exposition sur les années 1970 est toujours en circulation », raconte Rébecca Hamilton, du musée louperivois. « En ce moment, elle est au Musée d’art contemporain des Laurentides et terminera son périple à Sherbrooke dans quelques semaines, après avoir visité huit lieux différents. »

À Rimouski, la conservatrice a plongé dans le dossier des acquisitions avant de vraiment faire le tour de la collection. Ève De Garie-Lamanque : « J’ai commencé par clore les dossiers des dons. Mon premier dossier était une œuvre monumentale de Marc Séguin, on ne savait pas où la mettre parce qu’on n’a pas d’espace. On n’a pas encore vu cette œuvre à Rimouski, elle est en tournée en ce moment. Il me reste encore plein de trésors à découvrir, des œuvres importantes. On a des œuvres des débuts de l’abstraction au Québec, des automatistes, je pense que c’est vraiment une de nos forces. » Et d’ajouter : « Les collaborations avec les autres centres d’exposition au Québec sont essentielles, entre autres, pour nous permettre de réaliser des publications qui coûtent très cher à imprimer. »

Au tournant des années 2000, le Musée du Bas-Saint-Laurent a attiré l’attention avec Quatre arpents de fleuve à repeindre et La marée aux mille vagues. « Les gens nous en parlent encore, je pense que ça a vraiment marqué la population », de dire Mélanie Girard. De grands événements rassembleurs, parrainés par Armand Vaillancourt. Des événements qui mêlaient artistes professionnels et gens du public pour créer d’immenses toiles collectives et, surtout, pour démocratiser l’art. Ces immenses projets, dont les retombées médiatiques ont été fort importantes pour le musée, ont cependant mené l’institution au bord d’un gouffre financier. Coûts élevés, mauvaise planification financière… le musée ne manquait pas de projets ni d’ambitions. L’institution a passé très près de la fermeture, au point où l’on songeait même à vendre des œuvres de sa collection pour le renflouer. Il aura fallu un resserrement du budget et l’administration dévouée de Pierre Landry (oui, oui, notre Pierre Landry) et de son conseil d’administration pour le remettre sur les rails. Mais cette période n’aura pas laissé que des dettes : c’est à ce même moment que le projet Publiqu’Art a aussi démarré. Publiqu’Art, ville musée, c’est une quarantaine de sculptures d’art contemporain disséminées un peu partout dans la ville de Rivière-du-Loup et même au Nouveau-Brunswick. Des œuvres de Robert Roussil, Bill Vazan, Charles Daudelin, qui en font rêver plusieurs. Mélanie Girard : « Publiqu’Art fait l’envie de certaines villes, on se fait demander comment ça fonctionne. On a un beau parc de sculptures, mais on pourrait encore mieux l’exploiter avec des parcours d’interprétation. C’est une très belle collaboration avec la Ville de Rivière-du-Loup. » Du côté de Rimouski, « [on] a aussi une très belle collaboration avec les Jardins de Métis pour notre parc de sculptures », d’ajouter Francine Périnet.

Si l’aspect financier est toujours délicat au Musée régional de Rimouski, c’est plutôt une crise du côté des relations de travail qui a marqué les dernières années. Beaucoup de mouvement de personnel en peu de temps et une demande d’accréditation syndicale ont ébranlé l’institution. Là aussi, on n’a pas laissé traîner les choses : on a signé une première convention collective le 23 juillet dernier et on a réaménagé la répartition des tâches. Francine Périnet : « Le musée a peu de moyens, mais il y a un engagement important des bénévoles et des gens qui le soutiennent, que ce soit le conseil d’administration, le Conseil de la Culture et la Ville de Rimouski par toutes sortes de collaborations. »

 

Défis et projets

 

Le financement est évidemment au cœur du problème, les subventions sont gelées depuis quelques années et, régulièrement, on remet en question la pertinence de leur existence. Encore dernièrement, les médias ont fait état de possibles fusions et même de privatisation de ces institutions culturelles. Mais d’autres défis attendent nos institutions. Mélanie Girard : « Le grand défi, c’est d’aller chercher la clientèle locale, on oublie souvent d’aller visiter les musées de sa ville. Ici, c’est beaucoup avec les ateliers que les enfants s’approprient le musée. » Dans l’immédiat, elle souhaiterait mettre à jour l’exposition permanente : « Intersection date de 2006, le contenu est toujours pertinent, mais si elle était à l’avant-garde à son lancement, la technologie a beaucoup évolué depuis et elle devrait être réactualisée. » Pour Francine Périnet, « le défi, c’est d’en faire un lieu où on a envie de venir passer du temps. Je veux ouvrir les portes pour montrer aux gens qu’ils ont leur place ici, même si c’est un petit musée. J’aimerais pouvoir faire du musée un véritable lieu de rencontres. On a trois missions, la collection est riche et complexe en sciences, en histoire et en art contemporain. C’est difficile de créer un lien solide entre tout ça. On veut aussi développer le volet éducatif, on vient d’ailleurs d’embaucher quelqu’un pour ce volet. »

Le problème des réserves se pose pour les deux musées qui doivent refuser des dons par manque d’espace pour les entreposer convenablement. Les dossiers cheminent cependant : du côté de Rivière-du-Loup, le projet de l’église Saint-François-Xavier offrira assez d’espace pour accueillir la réserve du musée, le Centre d’archives et la Société d’histoire. Du côté de Rimouski, une entente avec la Ville est imminente : une subvention de près de 50 000 $ permettrait d’aménager une réserve et de concentrer en un seul endroit les œuvres de la collection permanente.

 

À voir en ce moment

 

À Rivière-du-Loup : Mascarade, le travail de quatre artistes qui s’intéressent au thème du double, de la représentation, du portrait retouché et à l’identité, ainsi qu’Intersections, sur l’histoire régionale.

À Rimouski : Réécritures de Frédéric Lavoie et Papillons de nuit qui présente des photos qu’on a envie de caresser. Vous n’aurez jamais vu les papillons d’aussi près. En novembre, on pourra voir une exposition tirée de la collection permanente du musée consacrée au livre d’artistes avec entre autres des œuvres de Claude Péloquin, de Marc Séguin, de Kittie Bruneau et d’Alfred Pellan.

 

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