On a tous du génie ou presque

Mélanie Loisel, L’Itinéraire, Montréal, le 1er novembre 2014

Personne n'est à l'abri un jour ou l'autre de se retrouver dans la rue ou du moins dans une situation d'extrême précarité. Avec des diplômes ou pas, quand la maladie frappe, quand les dépendances deviennent trop fortes ou que le couperet tombe, qui sait ce qui peut arriver ?

Malgré les épreuves inattendues, tout le monde a des compétences, des connaissances, du talent, du génie, bref une forme ou une autre d'intelligence! Depuis des années, de nombreux organismes communautaires ont su développer cette richesse humaine dans notre société. Avec des budgets souvent faméliques, ils réussissent à faire des miracles en venant en aide aux plus vulnérables, en leur offrant des soins, en leur trouvant un logement, en leur remplissant le ventre et en leur proposant des emplois pour subvenir à leurs besoins. Certains créent même de petits boulots pour des personnes atteintes de trisomie, d'autisme, de schizophrénie ou de toute autre maladie qui, autrement, ne pourraient jamais travailler.

Mais voilà que le gouvernement Couillard a décidé de sabrer l'aide gouvernementale de ces organismes sous prétexte que tout le monde doit faire sa juste part. Même s'il est encore difficile de saisir l'ampleur des compressions, des groupes d'insertion sociale comme L'Itinéraire craignent d'être privés de certaines subventions permettant à quelques personnes d'occuper un emploi adapté. Le portrait de la situation reste encore flou. Les compressions risquent de se faire, au cas par cas, insidieusement et sournoisement. Québec a beau rabâcher qu'il s'agit de « mesures d'optimisation », que les services ne seront pas coupés, mais on ne sait toujours pas comment il compte s'y prendre et quelles sont les économies qu'il compte faire.

Sans l'aide apportée aux organismes communautaires, des centaines de personnes seront inévitablement laissées à elles-mêmes. Et tous les intervenants du milieu anticipent déjà les conséquences. Les travailleurs délaissés seront plus malades, consommeront plus, traîneront plus dans la rue et finiront peut-être même en prison. Le gouvernement aurait donc intérêt à calculer non seulement les coûts des programmes, mais aussi les coûts supplémentaires des soins de santé, des services juridiques, des services policiers et carcéraux. Parce que les dizaines de millions de dollars accordés aux organismes ne sont qu'une pacotille pour redonner la dignité aux plus vulnérables tout en assurant la santé et la sécurité dans notre société. Et c'est, faut-il le rappeler, leur responsabilité d'y veiller. Alors au lieu de regarder une seule colonne de chiffres dans son budget, en vue de réduire la dette, le gouvernement devrait peut-être aussi en rajouter une de plus, parce qu'il verrait que ses compressions sont loin d’être une idée de génie.

 

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