Johanne Fournier, GRAFFICI, Gaspésie, novembre 2014
L’auteur et historien Louis Blanchette publie un nouveau livre, son sixième en carrière. Disparus en mer raconte l’histoire du navire B.F., qui était la propriété des trois frères Bernier des Méchins. Le bateau a été aperçu pour la dernière fois dans la nuit du 14 mai 1952. Dix membres d’équipage disparurent, dont les frères Bernier et Normand Beaudoin, 21 ans, de Cap-Chat, qui en était à son premier voyage en mer.
Gaston Henley se souvient de cette nuit-là. Ce résident de Sainte-Anne-des-Monts était mousse sur l’Ungava, qui reliait la Haute-Gaspésie à la Côte-Nord. Il est l’un de ceux qui ont entendu les dernières paroles du capitaine du B.F., Charles-Noël Bernier, avant que son navire ne sombre dans un troublant silence qui durera plus de cinq décennies. L’épave n’a été retrouvée qu’en 2006 au large de Métis-sur-Mer par le Service hydrographique du Canada.
Les frères Charles-Noël, Georges Énoch et Réal Bernier étaient issus d’une grande famille de navigateurs qui avait connu son lot de drames. Leur père, Charles Bernier de Cap-Chat, était capitaine. Il était le seul survivant d’un naufrage survenu en 1901, au cours duquel son père et son frère s’étaient noyés.
Après la perte de deux bateaux, les frères Bernier se portent acquéreurs, en 1951, du Roseleaf, alors propriété de la compagnie Branch Lines, faisant partie de l’empire de Marine Industries. Le navire de 36 ans repose alors depuis quatre ans au cimetière des navires de Sorel. Les frères Bernier décident de le « ressusciter ». Les radoubs terminés, la barge est nommée B.F., pour Bernier & Frères. Sept mois plus tard, en mai 1952, le navire quitte Marsoui, après avoir été ballotté contre les parois du quai pour un chargement de pulpe. Le capitaine se dirige ensuite vers le havre de Mont-Louis pour y abriter son bateau, en espérant que la tempête se calme. Mais le lendemain, même s’il pleut, qu’il vente fort et que la mer est grosse, il revient au quai de Marsoui pour continuer le chargement.
Il prend ensuite la mer vers le port de Sainte-Anne-des-Monts pour compléter la cargaison. Gaston Henley assiste au chargement du B.F. « Il voit le navire quitter le port, l’air chancelant, chargé à ras bord et poussé par une forte vague », écrit Louis Blanchette. M. Henley est dans la timonerie de l’Ungava. La radio est ouverte. « Le capitaine Bernier parle […] de son navire et de sa difficulté à le manœuvrer, rapporte l’historien.
À mesure que le B.F. poursuit sa course, […] la situation va en s’aggravant, jusqu’au moment où une phrase criée par le capitaine Bernier annonce un danger incontournable : “… mon bateau prend de plus en plus de temps à sortir des vagues…” […] Ce sont les dernières paroles prononcées par le capitaine Bernier. M. Henley les porte en lui depuis cette nuit tragique. » Pourquoi ce naufrage a-t-il plongé dans l’oubli pendant plus d’un demi-siècle ? Pour l’historien, il s’agit d’une « histoire entourée d’un mur de silence construit par une main invisible et composé de mensonges et d’hypothèses confuses, afin que certaines vérités ne soient pas connues ».
Disparus en mer est disponible dans les librairies Renaud-Bray ou auprès de l’auteur à info@histograffediteur.com.