Partir ? Ou venir en Gaspésie pour rester

Nelson Sergerie, GRAFFICI, Gaspésie, novembre 2014

« Partir quelque part pour partir », chantait Jean-Pierre Ferland dans la chanson Le soleil emmène au soleil. Ce choix, des gens le font pour toutes sortes de raisons. Les dernières données sur la démographie prévoient une décroissance de la population régionale sur les 25 prochaines années, mais tout n’est pas noir pour autant.

Depuis près d’un an, Stéphane Brochu, 49 ans, dirige le Festival musique du bout du monde (FMBM) de Gaspé, la conclusion d’une longue histoire de fréquentation entre lui et la région. « La graine qui a germé est le déménagement de ma grande sœur à La Martre lorsque j’étais en secondaire 1. L’été, j’allais la voir. Ce qui m’impressionnait, c’était le vaste territoire grandeur nature », indique M. Brochu. Étant un gars d’eau, il avait organisé une compétition de sauvetage sur plage à Haldimand à l’époque où il œuvrait à la Société de sauvetage. Il y a connu sa conjointe. « Moi et Julie, c’était notre rêve lorsqu’on s’est connus il y a 22 ans. On s’imaginait un jour avec nos enfants en Gaspésie, sur le bord de l’eau. » Il songeait alors s’établir dans la région seulement à sa retraite.

Auparavant organisateur de campagnes de financement à la Fondation du CSSS de Gatineau, M. Brochu avait organisé les accostages d’un périple en bateau, avec une conclusion à Gaspé. C’est à ce moment qu’il a vu le poste de directeur général du FMBM affiché. « Quand les planètes s’alignent… », laisse-t-il tomber, heureux de sa décision.

Selon la Stratégie d’établissement durable en Gaspésie et aux Îles-de-la- Madeleine, la région ne vit plus « d’exode des jeunes » depuis une bonne décennie. En regardant de plus près les données de l’Institut de la statistique du Québec, on peut observer que le solde migratoire du groupe d’âge des 15-24 ans n’a cessé de s’améliorer depuis l’année 2001-2002, passant de – 573 personnes cette année-là à – 271 personnes en 2012-2013. La situation est plus positive encore chez les 25-34 ans puisque le nombre de nouveaux établissements a été supérieur au nombre de départs à neuf reprises au cours des dix dernières années. C’est d’ailleurs ce groupe d’âge qui a été le premier à renouer avec un solde migratoire positif en 2003-2004.

 

Partir par amour

 

Parfois, les choix sont déchirants. C’est le cas de Sandra Leblanc, 35 ans, de Gaspé, qui a rejoint son conjoint, Marc-Laurent Soucy, originaire des Capucins et qui travaille à Baie-Comeau. Il y a deux ans, elle a abandonné un bon travail et son réseau d’amis pour « l’amour », dit-elle spontanément.

« Je m’ennuie énormément. Ce qui me manque : les paysages, la mer, la baie de Gaspé que je voyais tous les jours, ma famille et mes amis », dit-elle, un brin de nostalgie dans la voix.

« Il n’y a que l’amour qui a réussi à me faire sortir de la Gaspésie », répond-elle lorsqu’on lui demande si ce fut une décision difficile. Si l’occasion se présentait et que chacun trouvait un bon travail équivalent à sa situation actuelle sur la Côte-Nord, le couple n’hésiterait pas à revenir. Malgré tout, Mme Leblanc ne regrette pas la décision : « Non, parce que je suis avec mon amoureux et qu’un bébé s’en vient bientôt. Je souhaitais avoir un chum et une famille. Mon rêve se concrétisera bientôt ».

 

Des données démographiques

 

L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) donne un portrait partagé sur la composition future de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. La région comptait 94 500 personnes en 2011. Ce chiffre devrait être de 90 800 en 2036, soit une perte de 3,9 %. Toutefois, dans le pire des scénarios, la population tomberait à 86 400. À l’inverse, le meilleur scénario évoque une croissance de la population pour l’établir à 95 100 en 2036, soit « une certaine stabilité », indique l’ISQ.

Dans son analyse, l’ISQ note que la région a connu « une forte décroissance de sa population depuis 1996 (106 404 habitants cette année-là), mais le rythme du déclin s’est atténué au cours des dernières années, notamment en raison d’une amélioration du solde migratoire inter régional ». Ce solde devrait demeurer positif d’ici 2036, « mais il ne serait pas suffisant pour compenser les pertes dues à un accroissement naturel négatif ».

En 2036, la population des aînés (38 %) serait presque deux fois et demie supérieure à celle des jeunes (16 %) et l’âge moyen atteindrait 51,9 ans. La population des 20-64 ans ne serait plus majoritaire à compter de 2026, à 49,6 %. Elle était de 61,4 % en 2011.

 

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