Filière uranifère en Gaspésie : quel est le risque ?

Gilles Gagné, GRAFFICI, Gaspésie, novembre 2014

Quatre ans après la controverse déclenchée par la firme minière Terra Firma à Pointe-à-la-Croix et Listuguj, des maires et les groupes écologistes assurent qu’une autre tentative d’exploration ou d’exploitation d’uranium frapperait le même genre d’opposition, si elle se présentait en 2014 ou en 2015.

Quelques mois après l’adoption de la nouvelle loi sur les mines par le gouvernement du Québec, peu de citoyens ayant gardé un œil sur l’actualité minière se sentent plus rassurés maintenant qu’il y a quatre ans.

C’est notamment le cas de Bilbo Cyr, président d’Environnement Vert-Plus, l’organisme qui a mis au monde le mouvement Stop uranium Baie-des-Chaleurs, pour lutter contre Terra Firma. « C’est garanti que si quelqu’un se présente avec un projet semblable, ça va gueuler autant. La nouvelle loi sur les mines n’a pas changé la situation. Le free mining (la primauté de l’activité minière sur le reste) est encore le grand principe de cette loi », opine M. Cyr. « La Gaspésie demeure un endroit attrayant pour les entreprises minières à la recherche d’uranium. Il y a des indices de présence d’uranium derrière Percé, par exemple. Nous avons un plus haut taux de radon que la moyenne, et c’est ce qui se passe quand l’uranium se dégrade. Je ne serais pas surpris de les voir revenir », poursuit-il, en parlant des sociétés d’exploration. Terra Firma est une firme officiellement basée en Colombie-Britannique, mais dont la propriété est québécoise. Il s’agit d’une filiale de Ditem, propriété de Raymond Savoie, président de Gastem.

Après avoir réalisé des levés sismiques aériens, Terra Firma voulait mener des travaux exploratoires au sol, à proximité de la source d’eau municipale de Pointe-à-la-Croix, en 2011.

La mobilisation, menée par Stop uranium Baie-des-Chaleurs, mais aussi par des citoyens sur une base individuelle, avait notamment débouché sur une campagne de signatures à l’issue de laquelle 97 % des 125 propriétaires vivant à proximité du territoire convoité par Terra Firma avaient exprimé leur opposition à cette exploration. Une forte opposition des autochtones de Listuguj s’était aussi manifestée. Une assemblée tenue à Pointe-à-la-Croix avait notamment attiré 300 personnes en février 2011.

Le 19 avril de la même année, Terra Firma renonçait à ses droits d’exploration, quelques jours seulement après le dévoilement des résultats de la campagne de signatures. En 2013, quelques controverses portant sur l’exploration d’uranium, dont celles de la Côte-Nord et de la Gaspésie, ont incité le gouvernement du Québec à mandater le Bureau d’audiences publiques en environnement, le BAPE, pour étudier les enjeux de la filière uranifère et déposer un rapport en mai 2015.

En juin, le BAPE s’est présenté à Pointe-à- la-Croix pour une session d’information expliquant son rôle dans l’étude. Cette présence, bien que peu publicisée, a mobilisé plusieurs des opposants de 2010-2011. Michel Goudreau, de Stop uranium Baie-des-Chaleurs, a indiqué aux commissaires Michèle Goyer et Louis-Gilles Francoeur « qu’une fois une mine exploitée, 85 % des déchets restent ici, quand l’exploitation est terminée », l’un des facteurs expliquant pourquoi tant de gens sont contre ce minerai radioactif.

La radioactivité contenue dans l’uranium cause des changements génétiques chez les êtres vivants, changements susceptibles de développer certains types de cancer ou des malformations chez les nouveau-nés exposés aux radiations. Le maire de Pointe-à-la-Croix, Jean-Paul Audy, reste inquiet. « Tout projet d’exploration doit s’accompagner de la nécessité de consultations publiques, d’acceptabilité sociale, du respect des normes, du pouvoir des municipalités, d’un droit de regard.

Nous devrions avoir un droit de refus dans certaines circonstances. En Finlande, les municipalités ont un droit de veto. » Actuellement, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec n’enregistre aucune demande d’exploration d’uranium en Gaspésie. Quant au BAPE, il tiendra des audiences publiques portant sur la filière uranifère, pour donner suite à sa ronde de séances d’information de la première moitié de 2014.

« Nous n’avons toujours pas décidé si nous retournerons [à Pointe-à-la-Croix]. Nous regarderons tous les mémoires et nous déciderons à partir de ce point. Les gens ont jusqu’au 16 octobre pour signifier leur intention de présenter des mémoires, et jusqu’au 30 octobre pour les livrer », précise Louise Bourdages, porte-parole du BAPE.

 

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