Qu’est-ce qui pollue la baie Missisquoi ?

Pierre Lefrançois, Le Saint-Armand, Saint-Armand, octobre 2014

Plan d’eau le plus important de la région, la baie est une source d’eau potable pour la ville de Bedford et pour des communautés comme celles de Philipsburg et Stanbridge-Station, mais aussi un lieu d’activités récréatives pour les gens d’ici comme pour les visiteurs. C’est dire que la qualité de son eau a des impacts cruciaux sur la santé publique, de même que sur l’activité économique de la région. La préservation de l’intégrité biologique de la baie et des cours d’eau qui l’alimentent va donc bien au-delà de la préservation des paysages et des espèces végétales et animales qui les habitent.

Les données dont nous disposons actuellement permettent d’identifier trois sources principales de pollution qui menacent l’intégrité des cours d’eau de notre territoire et, ultimement, de la baie Missisquoi, dans laquelle ils se déversent : les cyanobactéries, les coliformes fécaux et les résidus de pesticides. Il importe de bien comprendre ces trois formes de contamination afin de savoir où et comment il faut agir pour enrayer la détérioration de nos cours d’eau, puis les assainir.

 

Cyanobactéries

 

Les cyanobactéries vivent depuis des millénaires au fond de la baie sans pour autant faire de dégâts. Mais lorsque de fortes quantités de phosphore se retrouvent dans l’eau, ces vieilles colonies de cyanobactéries produisent des fleurs d’eau, se manifestant par une prolifération d’«écume» qu’on appelle «algues bleu-vert». L’ennui, c’est que plusieurs espèces de cyanobactéries produisent des fleurs d’eau qui renferment des substances toxiques, les cyanotoxines, lesquelles affectent les mammifères et les humains par simple contact. A-t-on besoin d’ajouter qu’il serait impensable de boire une eau contaminée par ces cyanotoxines ou de consommer du poisson ayant frayé dans, les eaux qui les abritent?

Ces cyanotoxines apparaissent donc lorsque les apports en phosphore augmentent de manière importante. Mais d’où provient tout ce phosphore ? Dans le bassin versant de la rivière aux Brochets, l’agriculture en est de loin la principale source, notamment les grandes cultures de maïs et de soya, les cultures céréalières et les pâturages destinés aux animaux qui, bien qu’ils n’occupent que 22 % du territoire, contribuent à 69 % de la charge en phosphore. De manière plus spécifique, 50 % de la charge totale en phosphore provient de terres qui représentent moins de 10 % de la superficie du bassin versant de la rivière aux Brochets. Les sols à nu représentent la source la plus importante, en raison du ruissellement des eaux de surface vers les cours d’eau. C’est un exemple patent de pollution.

Des chercheurs de l’université McGill ont démontré que la période de la fonte des neiges et celle qui suit les récoltes, où les sols sont laissés à nu, contribuent chaque année à 82 % du phosphore rejeté par la rivière aux Brochets dans la baie Missisquoi. En d’autres mots, en 75 jours environ, la baie reçoit autour de 60 % de toutes les charges de phosphore de l’année.

Or, les fleurs d’eau se produisent invariablement à ces périodes. Par ordre d’importance, la culture du maïs, du soya et des céréales, de même que les pâturages représentent 88,15 % des apports en phosphore dans le bassin de la rivière aux Brochets. Les zones urbanisées y contribuent pour 11 %, l’ensemble des forêts pour 0,88 % et les cultures maraîchères, les vergers et les vignobles réunis pour 0,25%. Les rejets d’eaux usées provenant des zones urbanisées constituent la principale source de pollution ponctuelle par le phosphore.

Les stations d’épuration municipales et les eaux usées des industries, commerces et institutions font l’objet d’une surveillance étroite de la part du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT), afin de s’assurer de l’efficacité des systèmes de traitement et du respect des normes en vigueur. Malgré tout, les stations d’épuration évacuent tout de même des quantités non négligeables de phosphore. De plus, quand les réseaux d’égouts et les systèmes de traitement reçoivent une trop grande quantité d’eau en même temps, les ouvrages de surverse rejettent directement les surplus d’eaux usées dans les cours d’eau, sans pouvoir les traiter. Or, comme nous le verrons plus loin, les épisodes de pluies abondantes risquent de de se multiplier avec les changements climatiques en cours.

 

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