Arrivée il y a huit ans : Une famille syrienne en paix!

Alain Martineau,
Journaldesvoisins.com,
Montréal, octobre 2014

On aime le dire, le Québec est fier d’accueillir des gens qui arrivent de partout sur la planète pour s’établir chez nous. Ceux et celles qui s’expriment en français, constituant le tiers des nouveaux arrivants, démarrent ainsi leur nouvelle vie avec une « longueur d’avance », si l’on peut s’exprimer ainsi, sur le plan de l’intégration. Originaire de Syrie, la famille Marcos-Zadhour s’est établie dans le quartier.

Jeanine Morcos, est née au Liban et son mari, Samir Zakhour, en Syrie. Avant de venir vivre parmi nous, ils habitaient à Lattaquié, sur le bord de la Méditerranée. Le couple a trois enfants : Mario (maintenant âgé de 24 ans), Aldo (21 ans) et Angelo (16 ans). Ils ont fui un pays instable depuis des décennies sur le plan politique. Qui n’a pas entendu parler des el-Assad, les dirigeants?

 

Partir

 

En 1970, Afez el-Assad fomente un coup d’État. Son régime militaire en remplace un autre. Toujours autoritaire, un seul parti, le Baas, contrôle le pays de A à Z. Le père rend l’âme en 2000, mais c’est son fils, Bachar, qui prend la relève. Un peu d’ouverture au début, mais le naturel revient au galop.

La famille Marcos-Zakhour, dont les membres sont chrétiens maronites, minoritaires en Syrie, quitte en 2006 pour des jours meilleurs… Ils décident de venir s’établir ici, dans un pays nordique, eux qui voyaient la neige quelques jours par année et seulement lors de déplacements en montagne. Mais, pour toute la famille, quel bonheur de se retrouver dans un pays de paix, de sécurité : des mots qui reviennent souvent dans l’entrevue que le couple nous accordait dans leur résidence située non loin du Cégep Bois de Boulogne.

 

La décision

 

Samir Zakhour a un cousin ayant un appartement à Montréal, ce qui a facilité son choix. « J’avais pas mal d’amis qui ne disaient que du bien du Québec », a affirmé Samir Zakhour, en début d’entrevue. D’abord, il y a eu transfert du ménage. « Je lui ai dit que c’est parfait, je vais expédier mes meubles par bateau, sans savoir ce qu’était le quartier. Nous sommes arrivés en novembre 2006 », a-t-il dit. Une fois arrivée, la famille a dû s’habituer au froid et aussi à l’étroitesse d’un trois-pièces et demi dans Ahuntsic-Cartierville. Leur premier logis était tout près du grand logement qu’ils habitent aujourd’hui. « Et cette année-là, ce fut un Noel vert », d’ajouter Jeanine, bien amusée, alors que l’on parle tant de notre hiver rigoureux.

 

Québec versus Syrie

 

Certes, la vie est fort différente de la Syrie, mais le père de famille repousse les comparaisons. « Ce sont des vies complètement différentes. À 49 ans, j’ai décidé de tout laisser, les cousins, les cousines, les amis », a-t-il confié. Et il y a aussi tout le volet culture. « Mais, l’on a choisi cette vie », dira le couple fort heureux de celle qu’il a choisie ici. Et en français. « Assad père avait annulé les cours de français et même interdit le « Bonjour », à cause de l’Occident », rappelle-t-il.

Samir Zakhour a appris le français lors d’un long passage de cinq années en France alors que son épouse, originaire du Liban, compose depuis longtemps avec la langue de Molière.

 

Vie au Québec

 

« Ici, on aime tout, a martelé Mme Morcos. Quelques semaines après notre arrivée, j’avais posé la question aux enfants. Si vous n’êtes pas contents, on peut retourner en Syrie. Mais l’un des garçons avait averti qu’il resterait si jamais le reste de la famille repartait. On a tous senti rapidement la joie de vivre, le bonheur, la paix ». « Les Québécois sont chaleureux. Des gens nous arrêtent pour poser des questions. Même en comparaison avec la France, il y a des différences », dira Jeanine.

Quand il regarde ce qui se passe, Samir Zakhour déplore que des membres de sa communauté (et d’autres) aient tendance à se «ghettoïser ». « Il ne faut pas être à part de la société. Il faut frapper aux portes, aller vers les Québécois. Certains croient faussement que l’autre ne veut pas de nous. Il y a une petite réalité au départ, il y a des barrages à franchir. Mais des gens n’arrivent pas à concevoir qu’il faut franchir ces barrages », a insisté le père, sensible à l’importance de l’intégration.

 

Religion et éducation

 

Jeanine Morcos est agente de pastorale au sein de la communauté chrétienne maronite de Montréal. Un travail qu’elle aime bien et qui lui permet aussi d’être en contact avec les jeunes de 4 à 11 ans, de diverses nationalités. Elle encadre les jeunes dans des sorties ou encore lors des camps de jour. Alors que l’on parle de désertion de ces lieux sacrés depuis plus de 30 ans, Mme Morcos note pour sa part un bon taux de fréquentation : « Nos églises sont pleines. Et j’ai plus de jeunes que l’an dernier inscrits pour la catéchèse ». Mais elle reconnaît qu’il y a un peu moins d’engouement chez les 12 ans et plus. Pour elle, il faut avoir la foi et demeurer confiant face à l’avenir. On la sent très près des enfants, la relève de demain.

 

Langue et travail

 

M. Zakhour participe lui aussi à la vie communautaire au sens large, avec du travail comme bénévole tant à la Popote roulante qu’à la Société Saint-Vincent-de-Paul, sans oublier l’aide qu’il apporte aux gens qui ont besoin de produire leur déclaration d’impôt, car il est comptable de formation.

Mais, ici, comme c’est le cas pour beaucoup d’immigrants que l’on rencontre, une surprise attend les nouveaux venus : la connaissance de la langue anglaise est un autre prérequis pour avoir un emploi. M. Zakhour reconnaît qu’il doit faire plus de ce côté, lui qui vise un emploi permanent et à plein temps. En attendant, il consacre beaucoup de temps au bénévolat, une richesse, lui permettant aussi d’en savoir davantage sur les Québécois. « Je suis conscient qu’il faut l’anglais pour un boulot. Or, mon travail ici comme comptable s’est fait dans le quartier, en français. Je n’ai pas d’emploi, mais je travaille comme bénévole », affirme-t-il.

 

La guerre en Syrie

 

Une rencontre avec notre famille syrienne ne peut se terminer sans une allusion à ce drame supplémentaire qui secoue la Syrie depuis 2011 : la guerre civile du printemps arabe, l’opposition farouche du gouvernement el- Assad, et maintenant l’envahissement d’une portion du pays par des extrémistes membres de l’État islamique (ÉI). Voilà qui n’augure pas bien pour l’avenir.

« Avant en Syrie, nos parents vivaient mieux. Aujourd’hui, c’est terrible. J’avais prédit ces bouleversements. D’abord la révolte des gens (au printemps arabe), mais-là, on se retrouve avec une sale guerre », dit M. Zakhour. « Ce n’est pas une guerre de religion. C’est un prétexte. Il y a des gens de l’extérieur, venant des pays du Maghreb ou de l’Égypte», relate M. Zakhour à propos de cette guerre difficile à suivre pour nous alors que les avions de combat de pays occidentaux viennent « aider » el-Assad.

La bataille est maintenant sur deux fronts. On souhaite à la fois se débarrasser d’Assad et des combattants de l’État islamique.« C’est la pauvreté qui engendre ça, cette inhumanité », conclut Samir Azkhour.

 

classé sous : Non classé