Tout le monde dehors

Magda Ouanes, L’Itinéraire, Montréal, le 15 octobre 2014

Si le manque de subventions peut être un frein au développement de l'art dans l'espace public, les artistes ne manquent pas de créativité pour diffuser leurs talents, Animée par une passion sans limite, la sculptrice, peintre, dessinatrice et graveuse Geneviève Lebel a eu une vision de génie. Depuis le printemps dernier, elle expose les œuvres des artistes de son quartier, Hochelaga-Maisonneuve, dans un lieu inusité: les vitrines des commerces vacants des rues Sainte-Catherine et Ontario.

«L'idée m'est venue il y a deux ans, raconte l'artiste. Je me promenais dans le quartier et j'étais frappée par la grisaille qui habitait les lieux. Tous ces commerces délaisses, ces vitrines poussiéreuses, c'était maussade!».

En 2013, elle sollicite l'appui du regroupement de commerçants des Promenades Hochelaga-Maisonneuve et six mois plus tard, Un quartier en art est lancé. «Il n'a pas été difficile de les convaincre, lance l'instigatrice du projet. En plus d'offrir une visibilité aux artistes, d'embellir et de revitaliser le quartier, «cette initiative est une occasion pour les propriétaires de mettre leur local en valeur et d'attirer de futurs commerçants», ajoute-t-elle.

Rompre avec la morosité de la ville c'est aussi la démarche que poursuit le collectif de tricot-graffiti Ville-Laines. Créé en 2011 par Karine Fournier, ce groupe composé de cinq tricoteuses habille lampadaires, parcomètres, arbres et autres structures à travers la ville afin d'humaniser et d'égayer le paysage urbain.

«En investissant la ville de nos créations textiles de manière spontanée, explique la tricoteuse, nous voulions nous réapproprier cet espace en tant que citoyennes, mais aussi bonifier le quotidien des citadins en y apportant un peu de réconfort et de fantaisie»

 

Réappropriation

 

Se réapproprier l'espace public est une préoccupation grandissante parmi cette nouvelle vague d'artistes indépendants. Carolina Aponte, elle, décore des cabines télé- phoniques dans un esprit à la fois ludique et engagé. «Je pense que l'art dans l'espace public permet de recréer du lien social, de revitaliser l'architecture urbaine tout en partageant avec la communauté.»

Que ce soit pour favoriser l'accès à la culture dans la collectivité ou transformer l'espace public en lieu d'échange et de poésie, le théâtre et la danse ont également fait de la rue leur nouvel espace scénique.

Depuis sa création en 2010, le programme Jouer dehors, de l'organisme culturel La Danse sur les routes, a permis la présentation de près de 300 spectacles à travers le Ouébec. La coordonnatrice du projet Marie Bernier soutient «que la présence de la danse dans l'espace public, les festivals, les parcs ou sur la terrasse d'un café fait des heureux. Elfe apporte un sentiment de réconfort tout en laissant une impression d'avoir eu accès à quelque chose de beau. En plus, ça ouvre de nouveaux publics ri la danse.» Réalisé dans plusieurs villes du monde, le projet Si c'était ma rue est né d'une volonté de «faire sortir le théâtre des théâtres», explique l'artiste multidisciplinaire en arts de la scène, Jessica Abdelmoumene. Le projet convie les passants à une occupation théâtrale in situ de deux jours sur la Place Shamrock située près du Marché Jean-Talon.

Avec Paulina Almeida, metteur en scène de renommée internationale menant cette représentation depuis 2011, elle voit dans ce projet «une manière de se réapproprier l'espace urbain, de briser l'isolement tout en favorisant l'émergence d'une poésie dans la ville».

Ce groupe d'artistes a choisi de prendre au pied de la lettre l'idée d'art public en le rendant accessible à l'extérieur des circuits traditionnels de diffusion allant parfois jusqu'à vouloir sortir de la logique de l'art institutionnel. Tout ça pour que l'art soit plus présent dans la vie de chacun et puisse peut-être même nous transformer.

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