Le projet de loi 3 : Comment s’y retrouver?

Serge Cloutier, Le p’tit journal de Woburn, octobre 2014

Ces temps-ci, on entend parler du projet de loi 3, de régimes de retraite et d’employés municipaux. On voit des reportages de manifestations, on prévoit des affrontements et des grèves. Mais qu’est-ce qui justifie toute cette agitation? Il est parfois difficile de s’y retrouver parmi le flot d’analyses, de déclarations intempestives et même d’insultes.

Pour être précis, le nom complet de ce projet de loi est « Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal ». Ce qui est en jeu, c’est la santé financière des municipalités versus les caisses de retraite des employés et employées municipales. Traditionnellement, les salariés et les employeurs négocient les règles de gestion des caisses de retraire lors du renouvellement des conventions collectives. Employeurs et salariés s’entendent alors sur la part à verser dans la caisse de retraite par chaque partie. Par exemple 45 % par le personnel et 55 % par l’employeur. La négociation porte également sur des modalités comme l’indexation de la prestation de retraite au coût de la vie.

Comme ce sont les municipalités qui gèrent ces caisses, elles doivent en supporter les déficits lorsqu’il y en a. Or, à la suite de la crise financière de 2008, certaines municipalités prévoient un déficit de leur caisse de retraite. Principalement la Ville de Montréal avec un trou de près de 2 milliards $ et la Ville de Québec avec 620 millions $. On comprend donc l’insistance du maire de Québec, Régis Labeaume, à réclamer à hauts cris une intervention du gouvernement du Québec. Et l’empressement du maire de Montréal, Denis Coderre, à lui emboîter le pas. Précisons toutefois que ces montants ne sont pas des dettes. Ce sont des déficits prévus lorsque viendra le temps de payer des prestations de retraite. Et le calcul de ces prévisions s’effectue sur la base de facteurs variables comme l’espérance de vie des personnes retraitées.

En ce moment, les employés et employées municipaux défendent leur droit à négocier librement parce que le gouvernement prépare une loi mur à mur qui fixera des règles pour l’ensemble du secteur municipal. Or, parmi les 170 régimes visés, 154 ont des données disponibles. Sur ces 154 régimes, 45 % ont un taux de capitalisation acceptable, c’est-à-dire qu’ils disposent de l’argent nécessaire pour respecter leurs engagements futurs.

Certains analystes en concluent qu’en visant aussi les régimes en excellente santé financière, le gouvernement cherche bien plus à modifier les règles établies qu’à régler un problème de solvabilité. D’autres analystes prévoient que le personnel de la fonction publique sera touché par la suite, puis le secteur universitaire et même le secteur privé.

En définitive, cette loi pourrait être jugée inconstitutionnelle. En effet, elle impose une limite à la liberté d’association. Et la négociation fait partie intégrante de l’exercice de la liberté d’association telle que reconnue par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
 

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