Gustaaf Schoovaerts, L’Écho de Cantley, Cantley, octobre 2014
Lors de la fête des 50 ans de vie religieuse de ma sœur Josée, une phrase du président de la célébration eucharistique m’a réveillé. Dans l’éloge de cette sœur des Écoles chrétiennes de Vorselaar (petit village des Campines belges où se trouve la maison mère), cet ami de la famille souligne son mérite d’enseignante : « Imaginez pendant tant d’années apprendre aux enfants à lire, à écrire et à calculer! » Elle avait enseigné en première année du primaire pendant 27 ans. Retraitée, elle s’est appliquée pendant des années à aider des enfants en difficulté dans l’apprentissage de ces habiletés de base. En effet, maîtriser les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul ouvre la porte à la culture et constitue l’élément fondamental pour éradiquer l’analphabétisme.
J’ai personnellement constaté les dégâts de ce dernier fléau pendant mon travail au Brésil. J’ai aussi été témoin de la fierté, de la joie, du bonheur reflétés dans les yeux d’enfants, d’adultes et de personnes âgées qui ont réussi à maîtriser les lettres et les chiffres, lors d’une campagne de scolarisation dans des villages éloignés de cet immense pays.
Ce présent article naît à cause d’une lecture révélatrice qui a créé mon étonnement et mon indignation. En parcourant l’article à la une du journal Le Devoir du lundi 25 août 2014, je voulais savoir et comprendre l’énoncé : « Des milliers d’enfants fantômes privés d’école ».
Double constatation
D’abord, je prends note de mon ignorance. Le drame des « illégaux, des sans-papiers » n’existe pas seulement aux États-Unis, en France et dans d’autres pays où des gens se réfugient, mais fleurit aussi abondamment au Canada et au Québec. Le nombre me surprend : « […] les données voguent de 200 000, à 500 000, au Canada, de 40 000 à 80 000, au Québec ». Il est superflu de décrire la vie misérable de ces gens.
Ensuite, la plus grande surprise de l’article m’a laissé bouche bée. Les règlements du ministère de l’Éducation du Québec privent les enfants des citoyens « illégaux » de l’école. Nous décrions l’injustice mondiale qui n’offre pas la scolarisation dans certains pays du monde. Je n’ai pas trouvé le nombre exact de ces « enfants fantômes ». Il règne une absence de statistiques officielles. Selon des estimations, il s’agirait de « milliers ». Le « Collectif éducation sans frontières », créé en automne 2011, se démène pour obtenir un changement de règlementation. Rien ne se fait, malgré les promesses de l’ex-ministre de l’Éducation, Marie Malavoy. (p. A 8)
La réaction vive pour dénoncer les intentions du ministre de l’Éducation actuel, Yves Bolduc, concernant l’arrêt des achats de livres pour les bibliothèques scolaires, montre l’importance que la population accorde à la qualité de l’enseignement. Dans notre Québec, cette nation qui cherche sa reconnaissance, le Principe 7 de la Déclaration des droits d’enfants, adoptée unanimement par l’Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1959, semblerait devoir s’appliquer : « L’enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire, au moins aux niveaux élémentaires. […] la société et les pouvoirs publics doivent s’efforcer de favoriser la jouissance de ce droit ». En ce début de l’année scolaire, comment expliquer que rien ne bouge pour effacer cette honte, cette injustice envers des milliers d’enfants?