Gagner sa vie en arts visuels

Karyne Boudreau, GRAFFICI, Gaspésie, octobre 2014

Sur la bonne centaine d’artistes en arts visuels actifs sur le territoire, seule une quinzaine parviendrait à vivre de son art, selon le conseil de la culture de la Gaspésie.

Selon Annick Loisel, directrice générale du Conseil de la culture, il est difficile d’évaluer qui, de la centaine d’artistes gaspésiens en arts visuels, arrive à subvenir à ses besoins essentiellement en vendant ses œuvres. « Quand je dis 15 %, c’est approximatif. Nous n’avons pas d’études statistiques pour le prouver. Mais il est évident que la majorité des artistes a un deuxième emploi », dit Mme Loisel.

Pour Yves Gonthier, artiste-peintre de Maria, « ce n’est pas évident ! Pour vivre de son art, il faut s’impliquer à 100 % dans la création, mais il faut aussi être un entrepreneur. Il faut tout faire ! », lance l’artiste qui a pignon sur rue à Maria et qui expose dans divers commerces de la Baie-des-Chaleurs.

Il a aussi exposé plusieurs fois à Gênes en Italie. « J’y ai même donné une conférence cette année, mais de faire voyager son art, ça coûte cher », déplore M. Gonthier. « Pour gagner ma vie, il m’a fallu être polyvalent et à l’affût de toutes les occasions, ajoute M. Gonthier. Avoir ma propre galerie m’a enlevé beaucoup de pression. C’est là qu’une brochure comme le Circuit des arts du Conseil de la culture est importante, mais je suis aussi artiste à l’école [le programme Culture à l’école, du ministère de la Culture et des Communications, amène des artistes à la rencontre des jeunes] et j’ai aussi, par le passé, obtenu des contrats dans le cadre du programme du 1 % de l’intégration des arts dans l’architecture. » Le fameux cadre naturel de Maria est d’ailleurs l’une de ses œuvres.

« Mais ma faiblesse à moi, c’est la mise en marché, poursuit l’artiste. J’aimerais qu’il existe ici, comme ça existe en ville, un bon agent qui connaîtrait son affaire. Quelqu’un d’expérience qui s’impliquerait vraiment auprès des artistes gaspésiens pour les faire rayonner ailleurs. Ça, ça aiderait », lance M. Gonthier comme une prière.

Édith Jolicoeur, artiste-peintre de Carleton-sur-Mer, se décrit elle-même comme une femme d’affaires. Celle qui transforme de vieilles portes et fenêtres en véritables tableaux, présente ses œuvres dans divers lieux d’exposition reconnus, dont des musées. Certains de ses tableaux font partie de collections publiques et privées en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe. Sa galerie est ouverte au public l’été ou sur rendez-vous le reste de l’année, mais pour Mme Jolicoeur, ce qui marche le plus, c’est Internet. Elle est d’ailleurs devenue consultante en utilisation stratégique du web et forme d’autres artistes et commerçants pour faire des affaires sur la toile. « Je dirais que 20 % de mes ventes passent par la galerie et plus de 75 % par Internet », affirme Mme Jolicoeur.

Par contre, Internet compte pour une très faible partie des revenus de John Wiseman, qui a pignon sur rue à L’Anse-à-Beaufils depuis 25 ans. Contrairement à Mme Jolicoeur, il affirme que les gens de passage sont ses principaux acheteurs. « C’est un bon outil [le Web] pour la clientèle établie qui veut suivre mon travail ou pour ceux qui ont vu une toile en passant et qui décident de l’acheter une fois revenus chez eux, mais à cause du piratage, il faut mettre les œuvres en basse résolution et ça ne leur rend pas justice », explique celui qui reçoit bon an mal an dans sa galerie jusqu’à 1 500 personnes de mai à septembre.

« La vérité, c’est que c’est une vie dure et que ça prend du temps pour se bâtir une clientèle », ajoute M. Wiseman qui n’expose nulle part ailleurs que chez lui depuis 25 ans et qui vit de son art.

Nouveau venu dans le domaine en Gaspésie, le photographe Mathieu L’Heureux Roy a décidé, pour sa part, de faire équipe avec deux artistespeintres, Linda Drody et Cornelia Karkossa, pour ouvrir sa propre galerie sur la rue de la Reine à Gaspé. Pour lui, l’union fait la force. « Quand je suis arrivé en Gaspésie l’an dernier, j’ai vu qu’il y avait beaucoup d’artistes qui restaient isolés chacun dans leur atelier. Je me suis dit que je voulais offrir un endroit pour les mettre en valeur. Je veux que la galerie devienne un lieu de rencontre et de recherche pour les artistes, un espace de créativité où tout est permis. » Le photographe arrive à vivre de son art en faisant aussi de l’encadrement et de la reproduction pour d’autres artistes. Il est actuellement à la recherche de talents pour exposer dans sa nouvelle galerie.

 

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