Gros gibier : Braconnage en hausse

Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, octobre 2014

Le braconnage du gros gibier en Gaspésie est loin de diminuer, certains types d’infractions sont même en hausse. Les braconniers sont tentés par le cheptel abondant d’orignaux et de cerfs, alors que le nombre d’agents de la faune diminue.

Le directeur de la Réserve faunique des Chic-Chocs, Bermans Drouin, sait qu’il y a du braconnage dans son paradis de l’orignal. Des individus chassent hors saison, rapporte-t-il, avec des moyens illégaux, comme une camionnette munie d’une plaque de fer pour estropier la bête. « C’est évident qu’on s’en ressent, indique M. Drouin. Dans les secteurs où ça braconne, on voit moins d’orignaux qu’auparavant. »

Mais détecter le braconnage et le faire cesser sont deux choses différentes. « C’est du monde qui n’a que ça à faire et pas grand-chose à perdre, estime M. Drouin. C’est assez dur à contrer, surtout qu’on a moins d’agents de protection qu’avant. » Il reste une trentaine d’agents de la faune en Gaspésie (incluant Matane), comparativement à une centaine en 1990.

Depuis les années 1980, les coupes de bois ont multiplié les chemins d’accès à l’arrière-pays gaspésien. Les orignaux, qui se nourrissent dans les repousses, ont atteint une densité record, soit plus de 10 bêtes par 10 km2. Les chasseurs ont suivi. Ces dernières années, plus de 24 000 permis par année ont été vendus, soit près du double d’il y a 15 ans.

« C’est sûr que le braconnage n’a pas diminué des années 1980 à aujourd’hui », indique Richard Hamel, du ministère québécois de la Faune. Certaines infractions sont en recrudescence, note-t-il, notamment la chasse à la femelle orignal sans permis. En Gaspésie, un tirage au sort détermine quels chasseurs auront le droit d’abattre une femelle. « Certains vont prendre la chance de tirer une femelle même sans permis et vont en chercher un ensuite dans les groupes de chasseurs voisins », rapporte M. Hamel. S’ils se font prendre, le cumul des infractions pour le chasseur et ses complices peut atteindre plusieurs milliers de dollars, signale-t-il.

Pas plus tard qu’en 2012, les agents de la faune ont démantelé un réseau de braconniers qui chassait l’orignal dans la réserve des Chic-Chocs et ses alentours et revendait la viande. Des réseaux de ce type existent toujours, estime M. Hamel. « C’est très dommageable, parce qu’une seule personne va abattre plusieurs bêtes. » La chasse au cerf de nuit est un fléau encore bien présent dans la Baie-des-Chaleurs, où se concentre le cheptel. Les braconniers aveuglent la bête avec un projecteur pour l’abattre plus facilement, une méthode interdite. En 2013, juste avec la surveillance courante, 23 infractions de ce type ont été constatées. L’année précédente, une opération spéciale des agents de la faune avait fait grimper ce nombre à 53.

 

Moins d’agents

 

«Deux carcasses de cerfs trouvées, une femelle et son petit, avec les oreilles coupées». Le président régional du syndicat des agents de la faune, Alain Guay, lit cette plainte qu’il vient de recevoir au bureau de New Richmond. De 2011 à 2013, le ministère de la Faune a compté 440 infractions liées à la chasse à l’orignal et 86 au cerf de Virginie. Ce n’est que la pointe de l’iceberg, croit M. Guay. « Souvent, on va trouver des restes d’orignal ou de cerf, mais il n’y a pas de nom ou d’infraction au bout. »

À la fin de l’été, le président a appris que la Gaspésie perdait à nouveau trois agents de la faune dans une vague de compressions. Les agents restants font plus de travail de bureau et ont moins de moyens, note M. Guay. « Au bureau de Sainte- Anne-des-Monts, ils n’ont même plus de VTT! Les chasseurs et les braconniers, eux, en ont. Ça prendrait plus d’agents qui font des patrouilles à titre préventif, poursuit-il. Quand on est présent sur le terrain, les gens se disent : on n’ira pas braconner, les agents sont là! »

 

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