Le retour du petit pain

Sylvain-Claude Filion, L’Itinéraire, Montréal, le 15 septembre 2014

On a beau savoir que le discours des politiciens est souvent synonyme de bouse de taureau, il est révoltant de constater combien les compressions à la Santé et à l'Éducation vont faire très mal aux milieux les plus défavorisés.

Le ministre de l'Éducation Yves Bolduc, celui qui fait preuve d'une rare adresse pour profiter du système de santé et qui juge qu'il y a trop de livres dans les bibliothèques scolaires, avait juré que les compressions de 150 millions $ infligées aux commissions scolaires ne toucheraient pas aux services aux élèves.

À l'heure de la rentrée des classes, voyons plutôt où le ministère a coupé : l’aide aux devoirs, les berlingots de lait pour les démunis, le transport scolaire, les services professionnels et la francisation des écoliers immigrants. Quand on sait que les enfants vivant dans un milieu défavorisé ont déjà un risque plus élevé d'avoir des problèmes d'apprentissage, c'est une bien mauvaise nouvelle.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on ampute 600 millions $ sur quatre ans qui auront pour conséquence de voir les services de première ligne, déjà déficients, se détériorer davantage. Comme les statistiques prouvent déjà que ce sont les classes défavorisées qui éprouvent le plus de problèmes de santé, on voit déjà qui va en souffrir.

Si l'on décortique un tant soit peu le budget adopté en juin dernier, on voit tout de suite que les coupes portent un préjudice à la classe moyenne et aux plus pauvres de notre société, en les privant de moyens qui leur permettraient d'améliorer leur sort. On parle d’un tas de petites coupures en apparence insignifiantes, mais qui en disent long sur les intentions du budget Leitao: on retranche 55 millions $ à l'aide à l'emploi et à la solidarité sociale; 25 millions $ dans l'agroalimentaire et l'inspection des aliments ; 9 millions $ au secrétariat à la jeunesse et 11 % du budget du secrétariat des aînés (3 millions $).

On coupe aussi dans l'accessibilité à la justice (3 millions), la Régie du logement (1 million), les musées nationaux (2 millions), les bibliothèques et les archives nationales (1 million), la gestion du patrimoine (1 million). Cela peut sembler peu, mais on parle de postes budgétaires déjà indigents.

La vision du futur du gouvernement libéral est bien étroite : il injecte de l'argent dans l'économie et les études supérieures, soit, mais il réduit de 1.5 milliard le budget d'investissements en sport, loisirs, culture et communications.

Il coupe près de 50 millions $ dans le développement durable, la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles. 50 millions, c'est justement la somme octroyée par Québec pour garder l'édifiant et polluant Grand Prix de Formule Un à Montréal.

Ajoutons maintenant l'insulte à l'injure plutôt que de taper sur les doigts de certains ministres qui ont les mains dans le plat de bonbons, Philippe Couillard a publiquement donné son appui, en juillet dernier, un rapport préconisant une augmentation de plus de

50% du salaire de base des députés de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas fait, j'en conviens, mais comme on dit, c'est l'intention qui compte.

Les orientations du budget 2014-2015 ont le mérite d'être limpides : le gouvernement Couillard mise sur l'ignorance et sur l'inaccessibilité à la justice sociale pour les moins nantis. En clair: on ne va pas aider ceux qui n'ont pas eu la chance d’aller gagner des millions en Arabie Saoudite, de s'enrichir par la spéculation ou de profiter des failles d'un système de plus en plus oligarchique.

Jadis, on disait des Québécois qu'ils étaient nés pour un petit pain. Le gouvernement Couillard nous renvoie le même message réducteur et rétrograde; né pour un petit pain. Ça a bien l'air que c'est ça, les vraies affaires.

 

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