Le prix de l’anonymat

Dominique Boisvert, L’Événement, Scotstown, septembre 2014

Je m'appelle Dominique Boisvert et je réside à Scotstown depuis le 1er avril 2014. Vous pourriez me dire : « De quoi tu te mêles, blanc bec? Commence par arriver! » Mais j'ai le goût de partager une réflexion avec vous et je pense avoir « bien fait mes devoirs » depuis mon arrivée (participation au conseil municipal, à la vente de garage de la mi-mai, à la fête de la pêche, à la St-Jean, au Grand Tour du Lac Mégantic et à la chorale de la paroisse St-Paul).

Dans le dernier numéro, quelqu'un a publié, de manière anonyme, « Mon opinion, tout naturellement… (sans préjudice) ». Je n'ai pas l'intention de discuter le contenu de l'article, car je n'en ai pas la compétence. Mais j'aimerais parler de « l'anonymat » dans nos discussions entre nous comme citoyens et citoyennes de notre petit village.

Car même si j'ai appris, depuis, que cette publication anonyme dans le journal résultait partiellement d'un malentendu (ce que je peux comprendre), le problème de l'anonymat, des rumeurs, des ragots, ou des critiques et commentaires « dans le dos » des gens demeure un sérieux problème dans tous les petits milieux. Et nous avons tous avantage, individuellement et collectivement, à modifier nos habitudes en ce sens pour développer une culture de débat ouvert, transparent et constructif.

Dans n' importe quel groupe humain, il y a des gens qui ne sont pas d'accord et c'est normal. Ce qui fait la force d'un groupe (d'un village), ce n'est pas que tout le monde pense pareil, mais que tout le monde puisse apporter sa contribution personnelle et différente à l'effort du groupe. Mais pour que ça soit possible, il faut que tout le monde se sente le bienvenu et libre de dire son opinion, même s'il pense autrement que la majorité.

Nous aurons toujours, à Scotstown comme dans tous les petits villages, des défis énormes à relever avec peu de moyens (exode des jeunes vers les grands centres, difficulté de fournir du travail à toute la population, diminution du nombre d'enfants à l'école, population peu nombreuse pour se payer les services municipaux nécessaires, etc.) La seule façon de changer cette tendance vers le déclin, ce serait de nous prendre en main collectivement pour essayer de redynamiser notre village et de le rendre attirant pour de nouvelles familles et de nouvelles petites entreprises.

Mais pour cela, une chose me semble essentielle : nous devons absolument sortir de« l'anonymat » et participer activement aux débats à visage découvert. Il n'y a rien de pire, dans un groupe, que les rumeurs, les cancans ou « le pariage dans le dos » des autres! Car cela nourrit à son tour les méfiances, les susceptibilités et les accusations sans fondements.

Pas moyen de rien construire de solide dans un tel climat de doutes et d'hypocrisie. Si nous voulons réussir quoi que ce soit ensemble, il est essentiel que tout le monde prenne la parole ouvertement, que ce soit pour critiquer ou pour faire des suggestions, et que le maximum de personnes participent aux débats et aux activités.

En relisant des vieux numéros de L'événement (merci à Monique Lacasse qui me les a partagés), j'ai pu constater que cette question n'est pas nouvelle à Scotstown. Dès la première année (mars 1991), alors qu'on se préparait à célébrer le centenaire de la paroisse St-Paul, deux articles mentionnaient déjà le problème de ceux qui préfèrent critiquer ce qui ne se fait pas plutôt que de participer ou d'améliorer ce qui se fait. De même, sur le Tableau d'affichage public du village, au moins deux textes anonymes (l'un publié dans L'événement et l'autre écrit spécialement pour le Babillard public) se plaignent du peu de participation citoyenne qui met notre village en péril.

Mais que ce soit pour critiquer la gestion de ceux qui agissent ou pour dénoncer l'apathie de ceux qui ne participent à rien, « l'anonymat » est toujours un masque qui empoisonne l'atmosphère et qui ne favorise absolument pas les discussions franches et les réponses transparentes. C'est pourquoi j'aimerais suggérer que notre journal communautaire se donne à l'avenir comme politique de ne jamais publier de textes non signés du nom véritable de leur auteur (les « noms de plume » ne devraient pas, normalement, être acceptés non plus). En espérant que cela ne découragera pas les gens d'écrire, mais qu'au contraire, parce qu'un climat d'ouverture se développera peu à peu, de plus en plus de citoyens et de citoyennes de Scotstown auront le goût de participer aux débats nécessaires.

 

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