Vincent Di Candido, Échos Montréal, Montréal, septembre 2014
La réforme des régi mes de retraite municipaux est mal engagée. Dès le départ, comme nos politiciens en ont le secret, ils ont abordé ce dossier en se drapant de toute l’arrogance dont ils sont capables.
Mais c’est là une attitude qui n’est ni rassembleuse ni productive, mais plutôt des tructrice, propice aux confrontations superflues. Même quand elle concerne des édits qui peuvent sembler de prime abord nécessaires, comme justement l’est le cas de la Loi 3 si l’on ne veut pas rentrer dans une spirale de déficit budgétaire irréversible, où la nouvelle génération se trouverait sans ressources, dans des caisses vidées par le prolongement de l’âge d’or.
En effet, comment pense-t-on convaincre du bienfondé de sa position, alors que l’on invite d’une part les parties concernées (la majorité des gens travaillent dans des organismes municipaux et/ou gouvernementaux), pour ensuite d’autre part affirmer que le gouvernement sera ferme et fera voter la Loi 3 intégralement s’il le faut. Il n’y a dès lors plus de place à la discussion, aux arguments, ce n’est plus qu’une stratégie bornée et teintée de mépris, où l’on ne prend pas le temps nécessaire d’apporter toutes les nuances importantes à considérer.
Ces nuances, beaucoup de municipalités les ont soulignés faisant état dans leurs cas d’une gestion responsable des ressources budgétaires via laquelle eux n’ont pas accumulé de déficit, comme c’est le cas au contraire pour les 2 grandes villes de Montréal et de Québec. Les employés qui ont un bon régime de retraite y ont largement contribué par une diminution salariale en négociations. Ils ne sont pas responsables de cette incapacité à payer de nos élus, qui n’ont pas eu la prévoyance de faire une analyse financière à long terme, et qui ont aussi été victimes de plusieurs années de laisser-aller face à la corruption dans les contrats accordés à l’industrie de la construction, tel que l’a incontestablement démontré la Commission Charbonneau, où les révélations fracassantes et les détails choquants ont mis à jour l’ampleur de la corruption, avec des centaines de millions de dollars qu’on cherche maintenant à récupérer.
D’ailleurs, les élus devraient ainsi se regarder dans le miroir quand on sait les privilèges salariaux et conditions de travail parfois pharaoniques qui leur sont accordés ou qu’ils n’ont qu’à voter pour se les offrir eux-mêmes. Ça a été le cas pour le ministre Bolduc, qui en plus de recevoir ses paies de député et de médecin dans la même période du mandat, s’octroyait en prime 230 000 $ pour services rendus en acceptant sur sa liste des patients en médecine familiale. Pour en revenir au dossier des régimes de retraite, comme l’indique le Président de l’Institut économique de Montréal, il y a plusieurs solutions envisageables.
Cela inclut, à titre d’exemple, une concession dans le plancher de l’emploi et une participation plus élevée de l’employeur au Régime des retraites. Quant à la rétroactivité demandée dans le projet de Loi 3, c’est une absurdité dont plusieurs analystes sérieux ont des doutes sur sa légalité dans un état de droit. En outre, il est légitime d’arguer que de tenter d’imposer les composantes de la Loi 3 à toutes les municipalités n’est pas une nécessité, mais plutôt un non-sens, quand on constate que sur les 174 municipalités touchées par le projet de loi , plus de 70 d’entre-elles sont en bonne, voire excellente santé financière. Le Gouvernement Couillard ne doit pas se bercer dans l’illusion que son mandat majoritaire l’autorise à l’arrogance. À Montréal d’ailleurs, un sondage démontrait clairement une forte majorité d’opposants au projet de Loi 3 tel qu’il est conçu. Cela dit, un gros bémol: personne ne peut s’autoriser à se servir de la force et/ou de l’intimidation pour saccager et souiller des biens et endroits publics, comme l’ont fait les pompiers à l’hôtel de ville de Montréal.
Même s’il semble que ce genre de tactique ait au final démontré son efficacité dans bon nombre de conflits, elle n’a pas sa place en démocratie municipale. Pas plus que la manière d’agir du gouvernement, plus subtil, qui s’octroie en douce des droits et privilèges incluant un régime de retraite qui ne contribue qu’à 20%, en se faisant juge et parti, et pour lequel les réticences ne sont rien de plus qu’un peu de fumée.