Protection des eaux souterraines

Normand Gagnon, Autour de l’île, Île d’Orléans, août 2014

À plusieurs occasions, les gens de l'île ont été confrontés à l'importance de l'eau souterraine surtout quand elle se fait rare en période de sécheresse ou qu'elle se révèle contaminée. Le manque d'eau potable saine provoque des désagréments certains au quotidien et compromet parfois la santé et le bien-être des citoyens. Mais nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper sérieusement de cette question.

La ville de Gaspé, par exemple, adoptait, en décembre 2012, un règlement sur la protection des sources d'eau potable dans le cadre des projets d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures sur son territoire. Ce geste avait eu pour effet de bloquer un projet de forage de la compagnie Pétrolia. Ce règlement stipulait notamment ce qui suit : «Il est interdit à quiconque d’introduire ou de permettre que soit introduit dans le sol par forage ou par tout autre procédé physique toute substance susceptible d’altérer la qualité de l’eau souterraine ou de surface servant à la consommation humaine ou animale, et ce, dans un rayon de dix kilomètres (10 km) de tout lieu de puisement d’eau de surface de la municipalité; six kilomètres (6 km) de tout puits artésien ou de surface desservant plus de vingt (20) personnes ; deux kilomètres (2 km) de tout puits artésien ou de surface desservant vingt (20) personnes ou moins.»

Plus de 75 municipalités du Québec ont à ce jour emboîté le pas et adopté un règlement semblable, dit de Saint-Bonaventure; une vingtaine d'autres étaient sur le point de le faire. Les villes de Gaspé et de Ristigouche ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux par des compagnies pétrolières pour avoir pris des mesures légales visant la protection des eaux. Ces causes sont toujours pendantes devant les tribunaux.

Or, voilà que Québec annonce (le 23 juillet 2014 à Gaspé) l'adoption du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP), lequel comprend «un ensemble de mesures pour encadrer les projets d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières, tout en protégeant les sources d’eau potable». Parmi ces mesures, citons «l’exigence de maintenir une distance minimale de 500 mètres entre un site de forage ou un sondage stratigraphique et un prélèvement d’eau destinée à la consommation humaine. Cette distance pourrait même être plus grande si l’étude hydrogéologique exigée dans un rayon de deux kilomètres autour d’un futur forage le justifie. Afin de protéger les nappes d’eau souterraine, le Règlement prévoit aussi une distance séparatrice de 600 mètres à la verticale, sous la surface du sol, où il sera interdit de réaliser de la fracturation».

Soulignons que, selon le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste, la distance à respecter sous la base de l’aquifère (nappe d'eau) devrait être de 2 000 mètres (et non pas 600 mètres comme le prévoit le règlement) car les fractures qui sont créées lors de l'extraction du gaz de schiste ou les failles naturelles qui sont élargies par la fracturation peuvent atteindre cette limite. De plus, l'industrie elle-même utilise la norme de 1 000 mètres sous la base de l'aquifère pour protéger les sources d'eau. Le «mystère» du 600 mètres s'explique sans doute en partie par le fait qu'augmenter cette norme pourrait avoir pour effet de diminuer le rendement des puits d'extraction d'hydrocarbures.

 

Absence de consultation

 

Ajoutons que le règlement, alors qu'il existait sous forme de projet, n'a pas fait l'objet de consultation auprès des municipalités et que les groupes environnementaux et de citoyens qui ont sollicité le ministre responsable pour une rencontre se sont fait fermer la porte au moment même où sept lobbyistes s'activaient auprès du gouvernement du Québec. Le règlement rendrait caduques les mesures légales prises jusqu'ici par les municipalités. Ainsi donc, ces dernières seraient désormais privées de tout recours et soumises au RPEP et à la loi sur les mines… Pour l'acceptation sociale, on repassera… On comprend mal également comment, après avoir appuyé le règlement de Saint-Bonaventure, certains maires particulièrement concernés de même que l'Union des municipalités (UMQ) ont pu se réjouir de distances séparatrices au moins quatre fois inférieures à celles auparavant exigées. Nous ne sommes pas loin de penser que le RPEP est taillé sur mesure pour les pétrolières et qu'il fait peu de cas, malgré son titre, du principe de précaution et de la démocratie.

Pour plus d'informations concernant l'extraction du gaz de schistes, voir : www. youtube.com/watch?v=qzctdiXAuBw

 

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