Pierre Gaudreau, L’Itinéraire, Montréal, le 15 août 2014
Le maire Denis Coderre a annoncé son intention de doter sous peu Montréal d'un deuxième Plan d'action ciblé en itinérance, tout en nommant sa volonté d'acquérir tous les pouvoirs sur cette question. La Ville a des responsabilités importantes au niveau des actions à mener pour prévenir et réduire l'itinérance. Bien les cibler est effectivement essentiel.
En 2010, le maire Gérald Tremblay avait adopté un premier plan d'action ciblé en itinérance, visant la réalisation d'actions précises sur une période de trois ans, soit à l'intérieur de son mandat. Le développement de logements sociaux pour sans-abri et la sauvegarde du parc de maisons de chambres, des actions fortes et pertinentes, avaient été identifiées.
Le plan proposait d'accroître la formation des policiers du SPVM et de développer des équipes spéciales pour intervenir autrement envers les sans-abri. Le plan identifiait aussi l'importance de l'adoption par le gouvernement du Québec d'une Politique en itinérance et celle du maintien et de la bonification de l'aide fédérale à la lutte à l'itinérance.
Quel bilan pour le premier plan?
Sur le logement. la Ville a soutenu la réalisation de plus de 300 logements sociaux pour sans-abri, dont quelques dizaines ont été possibles par l'achat de maisons de chambres. Avec les fonds disponibles, c'est un résultat qui se défend. Au niveau de la judiciarisation, la création de plusieurs unités spéciales du SPVM et l'adoption d'une stratégie contre le profilage social ont amené trop peu de changement. Il se donne encore trop de contraventions, des abus sont encore fréquents et des bavures dramatiques se commettent. Qu'on pense aux décès par balles tirées par des policiers de Mario Hamel. Patrick Limoges, Farshad Mohammadi et Alain Magloire.
Des actions à mener et des demandes à porter
Pour alimenter le deuxième plan d'action de la Ville, le RAPSIM a déposé un avis, disponible pour consultation au rapsim.org. Il est essentiel que le plan de la Ville se situe dans l'esprit de la Politique nationale de la lutte à l'itinérance adoptée par le gouvernement du Québec à l'hiver dernier. Une Politique qui porte une vision globale des actions à développer. Parmi les principales actions que la Ville peut et doit mener, le
RAPSIM nomme: Sur le logement:
• Soutenir le développement important de logements sociaux, une action stratégique pour lutter contre l'itinérance, en s'assurant que les conditions soient réunies : budget de rénovation/décontamination et soutien communautaire;
• Développer des actions encore plus fortes pour sauvegarder les maisons de chambres;
• Demander l'accroissement du soutien du gouvernement du Québec au développement de logements sociaux et au fédéral, le rétablissement d'une aide importante et récurrente.
Sur l'espace public:
• Revoir les règlements pouvant ouvrir au profilage social et qu'elle émette des directives pour limiter l'émission de contraventions;
• Consolider les programmes visant les alternatives à la judiciarisation, tant ceux à la Cour que ceux relevant des organismes communautaires.
Tous les pouvoirs à Montréal?
Dans le cadre de la demande que porte la Ville pour une nouvelle loi sur Montréal. «pour en faire une vraie Métropole», avec de nouveaux pouvoirs, Denis Coderre a souvent nommé, au premier rang, celui d'avoir «tous les pouvoirs au niveau de l'itinérance». Cela pose de grosses questions : de quoi parle-t-on exactement et avec quels moyens? Du logement, des programmes de réinsertion en emploi, de la justice … ?
Le denier budget du gouvernement du Québec illustre bien l'enjeu. L’abandon du rehaussement annoncé par le gouvernement précédent du financement des organismes communautaires a des conséquences graves, la Ville ne pourra pallier Québec à tous les besoins. Idem au niveau du budget de la rénovation, où les coupes du budget Leitao menacent de nombreux projets de logements sociaux où la Ville fait déjà son maximum.
Plus de pouvoirs pour Montréal? Cela reste à voir et débattre … en attendant Montréal peut, dans sa cour, faire certes mieux.