Sous nos pieds… l’histoire

Anne-Frédérique Hébert-Dolbec, L’Itinéraire, Montréal, le 1er août 2014

Saviez-vous qu'il existe plus de 125 sites archéologiques à Montréal? Et que le Musée Pointe-à-Callière se trouve sur le lieu de fondation exact de la ville? Ce patrimoine est mal connu des Montréalais. Dans le cadre du mois de l'archéologie, voici un portait des fouilles et des découvertes qui se déroulent présentement sur le territoire de Montréal.

Sur le chantier de l'école de fouilles de l'Université de Montréal, deux portes à l'ouest du Musée Pointe-à-Callière, les étudiants s'affairent. À l'aide de pieux, ils grattent le sol à la recherche de trésors, de vestiges et de traces qui trahissent la présence de nos ancêtres. 2014 est la dernière de 13 années de fouilles sur le chantier école du musée. Les archéologues ont pu y repêcher 290 000 objets de toutes les époques. Les différentes couches de sol, aussi appelées séquence de dépôt ont permis d'associer les objets aux années durant lesquelles ils ont été abandonnés, soit de 1642 à1968. «On se trouve présentement sur un site archéologique de grande valeur, soutient Brad Loewen, archéologue et professeur au département d'anthropologie de l'Université de Montréal. Les Français ont foulé ce sol en 1642 lors de la fondation de Montréal. Le territoire était alors considéré comme menacé par les Iroquois qui étaient contre la colonisation. Les colons ont donc construit le fort de Ville-Marie, qui se trouve sous nos pieds. On a trouvé des pieux de palissades et des fosses qui étaient sous le bâtiment.» Le fort était présent dans les archives écrites. Les historiens connaissaient son existence, mais aucune découverte archéologique n'avait été faite à son sujet.

 

D'innombrables richesses

 

L'école de fouilles a aussi permis de trouver les vestiges de la résidence de l'ancien gouverneur de la Nouvelle-France, Louis-Hector de Callière, construite sur le même site vers 1695.

Pour Marie-Élodie Molle, responsable des communications au Musée Pointe-à-Callière. «ces fouilles ont encore plus d'importance si l'on pense que c'est uniquement par la recherche archéologique que nous pouvons améliorer nos connaissances sur les modes de vie au début de la période historique du Régime français, période pour laquelle nous disposons de très peu d'archives écrites.»

 

Coordonné par le Musée de Lachine, le site archéologique de la Maison Leber-Lemoyne a également été le théâtre de découvertes enrichissantes dans les 15 dernières années. Les archéologues ont entre autres trouvé des indices d'une présence amérindienne préhistorique au cœur de la Maison. Leurs recherches ont aussi permis de documenter une période méconnue de notre Histoire, le XVIIe siècle.

 

Une bibliothèque sous terre

 

Depuis 2010, Pointe-à-Callière a réalisé quatre campagnes de fouilles et devrait en entreprendre une nouvelle en 2014 sur la place d'Youville Ouest. dans le Vieux-Montréal. Elles ont permis de découvrir des traces du Marché Sainte-Anne (résidus de nourriture. insectes, graines de plantes), ainsi que du premier Parlement permanent de la province, bâti à Montréal lors de la fusion du Haut et du Bas-Canada en 1847. «Au total, près de 50 000 artefacts et écofacts ont été mis au jour en plus des restes calcinés de 35 livres sur le chantier de fouilles qui est situé sous un ancien stationnement de la Ville de Montréal où se trouvent les vestiges de ces lieux historiques», explique Marie-Elodie Molle.

Les livres, qui se trouvaient probablement dans l'ancienne bibliothèque du Parlement, sont rédigés en français et traitent de géographie, d'économie et d'agriculture. Ils constituent une découverte inestimable, puisque ce sont les premiers volumes à être découverts sur le territoire québécois grâce à l'archéologie.

 

Archéologie de sauvetage

 

À Montréal, très peu de fouilles sont effectuées à des fins de recherches universitaires historiques. Chaque année, Québec offre environ 200 permis de recherches archéologiques. De ceux-ci, seulement cinq sont commandés par les universités. Les 195 autres sont dédiés à l'archéologie de sauvetage.

«Les promoteurs immobiliers sont tenus d'effectuer une fouille archéologique avant de construire sur un terrain vierge, pour s'assurer qu'il n'y a pas de vestiges essentiels, rappelle l'archéologue Brad Loewen. Avec le développement galopant, on peut se réjouir que la loi soit respectée et appliquée à Montréal.»

En archéologie de sauvetage, les contrats d'échantillonnage sont d'une durée d'une semaine à un mois. Pour Brad Loewen, l'empressement avec lequel les évaluations sont effectuées comporte des risques. «Il faut garder en tête que chaque fois que quelqu'un creuse un trou, il passe à travers des couches anciennes de sol et des bribes d'Histoire. Les délais sont très courts. C'est sûr que parfois, on passe à côté de choses importantes. En même temps, on peut difficilement se plaindre. C'est le développement qui fait vivre les archéologues.»

Par conséquent, la principale difficulté pour les archéologues en milieu urbain n'est pas le développement actuel, mais plutôt l'importante industrialisation du XIXe siècle. Les bâtiments instaurés à cette époque ont été construits avec une absence totale de conscience archéologique et patrimoniale. De nombreux trésors insoupçonnés se cachent ainsi sous nos pieds!

 

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