Le temps s’est arrêté !

Normand Gagnon, Autour de l’île, Île d’Orléans, juillet 2014

N'en déplaise à certains physiciens pour qui le temps, une simple composante de l'espace-temps, n'existe pas en dehors de notre subjectivité, ce soir-là, le temps s'est bel et bien arrêté. Les déceptions et les regrets du passé, estompés. Les angoisses du futur, balayées. La flèche du temps s'est brisée pour créer la chambre vide où la musique seule prenait place.

D'ailleurs, dès la première pièce de ce concert du sextuor des Violons du Roy, la chambre — ou l'église, si l'on préfère — vibrait des échos du bout du monde (Divertimento de Haydn). Un premier trio, à l'avant-scène, énonce un premier motif qu'aussitôt le deuxième, plus ou moins dissimulé par le maître-autel, reprend à son tour. Et ainsi de suite durant chacun des cinq mouvements quoique, dans le dernier, le rythme se soit accéléré et les échos rapprochés de telle sorte qu'à la toute fin, on assiste à une fusion qui recrée le sextuor. Une conversation animée, mais tempérée en son centre par un Adagio à la délicatesse ouatée. L'humour, la hardiesse et la construction originale de l'œuvre n'ont en rien entamé la douceur et le charme qui s'en dégagent.

L'intermède Strauss (ouverture de l'opéra Capriccio), aussi fluide que romantique, nous prépare, dans une quiétude qui n'interdit pas néanmoins le tourment, au saut quantique de l'œuvre qui va suivre en soulignant qu'ici et maintenant, il n'y a plus qu'une seule classe d'objets, les cordes.

Mais la théorie des cordes ne s'est jamais aussi bien illustrée que dans le Souvenir de Florence, de Tchaïkovski. Les cordes pincées ou attaquées violemment par les archets sautillants vibrent en tension générant des particules sonores d'une folle énergie rythmique qui emplissent complètement l'espace. Mais le ballet dansant du dernier mouvement atténue l'apparente anarchie de l'agitation particulaire par un thème fuyant qui transforme l'image détaillée en lissant ses contours sans pour autant déroger à l'ardeur de l'ensemble.

Soulignons en terminant la fougue du sextuor et particulièrement celle de son premier violon, Pascale Giguère, qui a su donner au public des interprétations aux couleurs vives et à l'énergie communicative. Le concert, enregistré par ICI Musique (95,3 FM), sera rediffusé le 16 juillet à 20 heures, dans le cadre des Soirées classiques.

 

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