Quand un poids devient un défi

Laurence Landry-Plouffe, Le Journal des citoyens, Prévost, juillet 2014

Ancienne cycliste, Manon Poulin est désormais l’une des haltérophiles les plus performantes au monde. Ayant remporté maintes médailles d’or, nous pouvons affirmer que cette citoyenne de Prévost est une athlète accomplie. Le Journal a eu la chance de la rencontrer afin qu’elle nous fasse part de son parcours, une histoire empreinte de persévérance et de dévouement.

 

Une femme qui prend sa place

 

Dès l’enfance, Manon s’investit dans le sport. Entourée de ses cinq frères, elle évolue dans un milieu résolument masculin. Ses parents ne l’encouragent guère : « À l’époque, les garçons étaient prédestinés à jouer dans des équipes sportives tandis que les filles devaient rester à la maison, mes frères avaient le droit… pas moi », précise-t-elle. Manon demande alors à l’entraîneur d’une équipe de balle molle de convaincre sa mère de la laisser jouer. Contre toutes attentes, cela a fonctionné. Après quelques années, elle devient entraîneuse à son tour et permet à son équipe de se hisser au premier rang. Toutefois, elle déchante rapidement lorsque le trophée du meilleur entraineur ne lui est pas remis. « Je suis persuadée, encore à ce jour, que ce trophée me revient, mais une femme entraineuse ça ne plaisait pas à tout le monde », nous confie Manon.

Ce premier incident de parcours ne l’arrête surtout pas : «Une vie d’athlète, c’est vivre avec des bâtons dans les roues constamment. C’est aussi devoir surmonter un nombre incalculable d’obstacles, mais pour moi des “c’est à cause de” ou “je ne suis pas capable de” ça n’existe pas », affirme-t-elle.

À 17 ans, elle entame une carrière de cycliste sur piste au niveau provincial. Malheureusement, une chute brutale, accompagnée d’une grave commotion cérébrale, ne lui permet plus de pratiquer ce sport comme avant. Manon doit alors faire le deuil difficile de sa carrière de cycliste qui aura duré huit années.

 

Une nouvelle carrière qui commence

 

Néanmoins, tout n’est pas terminé pour cette athlète, loin de là. Manon se fait recruter en 1989 lors d’une séance de musculation par Pierre Roy afin qu’elle devienne haltérophile. « Au début, je n’étais pas intéressée du tout. Le cyclisme est un sport cardiovasculaire alors que l’haltérophilie est un sport anaérobique. Je faisais face à deux sports complètement opposés. », stipule Manon. Dix jours d’entrainement plus tard, elle gagne tout de même l’or au Championnat provincial du Québec. Une nouvelle carrière se dessine devant elle. « Pratiquer un nouveau sport implique une transformation physique, ça a pris cinq ans pour que mon corps se métamorphose en un corps d’haltérophile », dit-elle.

En 1990, elle remporte la médaille d’or toutes catégories confondues et réalise un record lors du Championnat canadien. Après cette réussite, tout s’enchaîne. Toutefois, Manon désire fonder une famille. Même enceinte de son premier enfant, elle s’entraîne énormément. Pour son deuxième, elle souhaite au contraire prendre le temps de respirer un peu. Cependant, cette courte pause arrive au mauvais moment, car elle ne peut s’entraîner pour les jeux Olympiques de l’an 2000, les premiers jeux auxquels les femmes haltérophiles peuvent participer. « Je ne regrette pas du tout ce choix. Avoir suivi les jeux Olympiques en parallèle m’a permis de rester concentrée sur ce qu’est le sport à la base. On oublie souvent qu’être une athlète demande autant au niveau physique que psychologique. Il faut rester saine d’esprit et respecter les limites de son corps. » Récemment, Manon a remporté la victoire dans la catégorie 50-54 et elle a été couronné championne toutes catégories Maître lors du Championnat mondial en Allemagne. Elle a également remporté la grande victoire cette année lors du Championnat du Commonwealth en Malaisie. Du haut de ses cinq pieds, cette haltérophile ne cesse de prendre du galon. Pour ce qui est du futur, elle affirme : « Je ne me vois pas arrêter bientôt. Je donne des cours de cross fit et j’entraine de jeunes haltérophiles. Je veux leur apprendre que ce sport est un tout qui ne se résume pas qu’à lever des poids. C’est beaucoup plus.»

 

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