Je suis en vacances… dans la capitale culturelle des Laurentides!

Michel-Pierre Sarazzin, Ski-se-Dit, Val-David, juin 2014

C’est du moins ce que nous disait Pierre Bertrand il y a quelques années de ça, quand Val-David n’était encore qu’un petit village enfoui sous les sapins. Presque un petit village, car nous étions déjà la capitale culturelle des Laurentides. Et Val-David l’est toujours. Jusque dans son nom, coup de chapeau au sénateur Laurent-Oliver David et à sa son fils Athanase, deux hommes politiques d’envergure dont l’ombre imaginative plane encore sur les activités parallèles qui leur ont survécu, dont le Club canadien et l’Orchestre symphonique de Montréal, pour n’en citer que deux. Ou encore, si on aligne les nombreuses réalisations familiales associées au domaine des lettres, des sciences et des arts, nous lui devons l’instauration des Concours littéraire et scientifique à l’origine des Prix du Québec, en 1922, et la création de l’École des beaux-arts, du Musée du Québec et des Archives nationales du Québec. Hommes à tout faire, de père en fils : avocats, journalistes, historiens, politiciens. Des artistes, quoi.

Val-David, avec de tels patrons, ne pouvait que fleurir autour de l’idée créatrice, depuis au moins 1944, année de sa fondation. Avec un certain effarement, j’ai commencé récemment à compiler la liste des gens de l’art qui ont, à un moment ou à un autre, élu domicile ici. J’ai manqué de papier, sans même être exhaustif. Jugez plutôt de ce qu’il y a sur ma simple liste personnelle, des gens et des souvenirs qui ont les alentours comme décor : Lucien Dedual et ses grands tableaux vibrants (1948), Christo Stéfanof et ses fresques incroyables (1950), Charlie Biddle et ses jam sessions chez Guindon (1960), Jean-Paul Riopelle et ses lunchs au vin blanc au Cheval Blanc, sur la 117 (1970), Marc-Aurèle Fortin, l’étrange visiteur du soir, Gilles Mathieu et ses centaines de copains chanteurs, montés en Butte, Louis-Philippe Pelletier et son piano d’or, Yves Gabriel Brunet couvrant de paroles des sommets et des dunes, Louis Muhlstock, le Toulouse Lautrec du lac Paquin, Ginette Anfousse, celle qui aimait les tamanoirsmangeurs-de-fourmis-pour-vrai, Guy Thauvette et ses partenaires du Grand Cirque Ordinaire, qui campaient ici (Paule Baillargeon, Jocelyn Bérubé, Raymond Cloutier, Suzanne Garceau, Claude Laroche, Gilbert Sicotte), Claude Dubois, au coin du feu, parlant de la rue Sanguinet, Robert Charlebois, avec Jean-Guy (Moreau), imitant la Boulée, sous les vestiges du moulin Leroux, Philippe Gagnon, le violoneux des danses carrées de Gilbert Bécaud, Stéphane Golmann, sa guitare, ses clopes et son bateau, mon théâtre de marionnettes, Sapicoche et Picpartou, à La Dent-de-scie, La boutique Tout Chose et sa galerie d’art, les soirées à la chorale deVal-David avec le Jean Morin de la radio de Radio-Canada, les arbres transformés en sculptures mécanoïdes par Jean Noël, mon frère Claude tombé dans la couleur de l’aube, Guy Montpetit, architecte des lignes inventées, Jocelyne Aird-Bélanger et les frères Tremblay gravant entre les pierres et les plaques des mots à l’encre d’Escher, Pierre Leblanc vulcanisant l’acier monumental, Jean-Denis Bisson Biscornet faisant chanter la pierre, Raymond Lévesque et les Bozos Jacques Blanchet, Hervé Brousseau, Clémence Desrochers, Jean-Pierre Ferland, André Gagnon et Claude Léveillée… qui se foutait du monde entier, quand Frédéric… Et Bonnie Baxter et Michel Beaudry sur la montée des Marguerites.

Et puis, encore maintenant, toujours en avant, René Derouin, qui demeure un pôle d’attraction pour tout ce qui crée dans l’hémisphère. Et toute cette nouvelle génération dont les pages de ce journal sont remplies, à moitié Loco, à moitié LézArts. Comme tous ceux qui, suivant l’idée de Pierre Bertrand, au lieu de ressasser des idées sombres, ont sauté du côté du soleil. Tous ceux qui savent, parce que sans faire de bruit ils y vivent, que Val-David est la capitale culturelle des Laurentides.

Et entre vous et moi, comme la gare de Perpignan l’était pour Salvador Dali, un peu le centre du monde. Du moins, pour ceux qui chantent, comme une fleur en hiver : « Un air d’été, tout léger, tout léger, tout léger… »

 

classé sous : Non classé