Activités portuaires : le danger est toujours là

Pierre Mouterde, Droit de parole, Québec, juin 2014

On s’était entendu pour se retrouver à midi dans un petit resto de la rue Saint Jean, histoire de faire le point en ce printemps tardif sur les affaires de poussières de fer et de nickel dont elle avait révélé il y a de cela plus d’un an et demi (le 26 octobre 2012), l’existence si néfaste pour la santé de la population de la ville. Et l'on n’a pas eu besoin de grande introduction pour entrer dans le vif du sujet : la veille au soir, le lundi 26 mai 2014, suite à la présence de violents vents venant du fleuve, plusieurs citoyens avertissaient Vigilance Port de Québec, de la présence très visible d’un important nuage de poussières au-dessus de Limoilou. Ma première question était donc toute trouvée :

 

Q- Il y a donc encore et toujours des épisodes de contamination provenant des activités portuaires ?

 

R- « C’est constant, c’est tous les jours, si tu voyais la quantité de poussière ce printemps, les bancs de neige qui ont été roses jusqu’en mai. Ça suffit de parler… d’épisodes, il s'agit d’une problématique en continu qui oui, suite à toutes sortes de facteurs, est plus visible à certains moments, mais ça n'enlève pas le fait qu'elle est à l'image des activités du port : 365 jours par année, 24 heures par jour.

Et quand on entend les porte-paroles d'Arrimage Québec, affirmer que c'est un phénomène tout à fait nouveau, (il y a de quoi s'interroger ndlr). En fait, ils maintiennent ce genre d'activités sur une péninsule en plein milieu du fleuve avec le vent qui est là. C'est comme une constante avec laquelle il doivent apprendre à négocier. S'ils ne sont pas capables de gérer leur business sans envoyer de la poussière parce que c'est difficile de contrôler le vent, c'est justement ce qu'on leur dit : vous ne pouvez pas continuer à maintenir ces activités à ciel ouvert dans le centre ville, parce que le vent, lui, sera toujours là.

Et puis, qu'est-ce c'est que ce vent incroyablement intelligent qui fait toujours preuve d'un discernement fascinant, parce qu'à chaque fois il soulève les trucs les moins dangereux comme le sable, la gravelle, et laisse de côté les immenses piles de matières ferreuses, de charbon un vent assez fort pour soulever un nuage à plusieurs kilomètres à la ronde ? Ça suffit de prendre les gens pour des limaces !

Ce qui vient prouver que les moyens périphériques utilisés sont totalement inefficaces. Où sont ces supposés capteurs, ces supposées lignes de garde ? Si personne n'avait été visuellement capable de rapporter l'incident, ça serait passer inaperçu.

On comprend pourquoi des canons à eau pour rabattre les poussières au sol, avec l'ampleur et la nature de leurs activités, c'est ridicule, c'est un moyen complètement inefficace. Qu'on maintienne des activités de cette ampleur, de cette nature, là au centre ville de Québec, c'est un choix. Mais pour l'instant il y a vraiment une confrontation des usages, une incompatibilité des usages, et si on veut les rendre compatibles, eh bien il faut que tout ça soit fait à couvert avec un système de transbordement à couvert! C'est pas compliqué ».

 

Q- Mais les poussières ce n'est pas le seul problème, il y aussi eu la construction de silos pour granules de bois au bord du boulevard Champlain?

 

R- « Oui et j’ai hâte au moment où ces silos vont être mis en opération. Pour qu'on arrête de parler que c'est beau, ou pas beau. Car ce n’est pas juste une question d'aspect visuel. Les gens qui vivent dans les beaux jardins de Mérici, ils vont voir ce que ça veut dire de vivre à côté d'une gare de triage. Car il va y avoir des impacts réels générés par ces opérations : du bruit et de la poussière. Il y aura une gare de triage qu'il faudra construire, parce que les granules seront amenées par train de l'Ontario, stockées dans les silos puis envoyées par bateau en Angleterre. Et les gens ils vont voir pour de vrai, quand par exemple de 4 à 6 heures tu ne peux pas dormir parce que les trains sont en opération ou parce que le train a été retardé et que le déchargement se fait quand même entre 2 heures et 4 heures du matin.

Mais ça, c'est sans parler des risques. Car les granules de bois qui seront stockées dans ces grands dômes en béton sont des matières organiques qui continuent à se décomposer, se dégrader, et donc à produire des gaz. On a beau essayer de traiter tout ça, il y a accumulation de gaz qui, parce qu'on se trouve dans un espace confiné, peuvent être dangereux, ça peut s'enflammer ou exploser. Et comme c'est un nouveau produit, une nouvelle manière de manutentionner, que c'est dans les premières fois, que c'est aussi gros en termes de quantité, tous ces risques, on n'a pas pu les documenter. Et tout cela, même si le projet était dans les mains de quelqu'un de confiance qui aurait fait la preuve de sa diligence et de sa capacité d'opérer de manière rigoureuse, ça constituerait déjà un risque. Alors, ces équipements dans les mains d'une entreprise comme Arrimages qui au quotidien a fait la preuve qu'elle n'est pas capable de gérer ses affaires de manière rigoureuse, ça me fait très peur. »

 

Q- Mais y-a-t-il quelque chose qu'on peut faire?

 

R- « J'ai invité personnellement Mario Girard (directeur du Port de Québec) et Éric Dupont à venir prendre du thé sur ma galerie : qu'ils se rendent compte « de visu » de la poussière qu'il y a. Mais au-delà, mettons qu'il y ait juste 10 000 personnes (sur les 100 000 qui vivent à Limoilou) qui chaque matin envoient au maire, au ministre, etc. un courriel, qui dit « je n'accepte plus ça, en tant que résidant de cette ville, j'exige qu'on respecte mon droit de vivre dans une environnement sain (un droit protégé par nos chartes), et en tant que personne ayant autorité sur un territoire, je vous ordonne de vous acquitter de vos devoirs quant à l'environnement ». Eh bien si tous les matins, il y en avait 10 000 qui le faisaient, je te jure que d'ici un mois ce serait réglé! Ces personnes de pouvoir sont clairement en contravention avec la loi, et les autorités ça haït ça, d'être sous les feux de la rampe, d'être harcelées. Il faut arrêter de penser qu'il n'y a rien à faire ».

Alors à quand donc, une grande campagne organisée par les groupes communautaires de la région de Québec, pour rappeler aux autorités de la Ville, de la santé et de l'environnement leurs indéniables responsabilités en la matière ?

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