Poésie anacréontique de Mathieu Latulippe

Michaël Lachance, Droit de parole, Québec, juin 2014

En attendant les pompiers de Mathieu Latulippe, paru récemment chez Moult Éditions, dans la collection Critures, sous la direction littéraire du célèbre éditeur de Québec, Christian Girard, dont ses miscellanées inquiétantes, le titré Scrapitude et autres poèmes erratiques, paru en 2011 et l’excellent recueil bourgeois aux effluves subarctiques, Poèmes pour Pierrette, d’Alain Larose, paru en 2012, ont propulsé, grâce aux succès d’estime auprès d’un illuminé critique littéraire de Québec, la collection au faite du genre poétique.

Ce dernier effort de CRitures n’est pas sans rappeler, entre autres par les dimensions et les couleurs du livre, les précédents ouvrages de la collection. En effet, on s’arrache les livres chez Pantoute à Québec, autant sur la rue St-Joseph que sur la rue St-Jean. Les quelques 300 copies de chaque publication disparaissant à la vitesse d’une Comète 1972, moteur 440 américain, six-packs (i.e., trois carburateurs double corps (barils), hémi 6.1 litres de 550 forces sur un « dragways » d’un ¼ de mille de Saint-Eustache. D’ailleurs, l’éditeur souligne sur le 4e de couverture : « a great opportunity to increase the value of your present collection or to start a new one ». Par conséquent, sachez, fidèle lecteur, que l’achat d’un livre de cette collection, c’est comme un « REER » avec un rendement sur l’acide. C’est hallucinant!, dixit l’éditeur habituellement désabusé.

Mathieu Latulippe, natif de Québec, est connu comme un artiste touche-à-tout : objets, installations, maquettes, photos, interventions et vidéos. Pour cette proposition enflammée, il emprunte la forme brève, une forme que l’on connait au Québec grâce, notamment, aux poèmes de Patrice Desbiens; poète respecté, s’il en est un, et qui embrasse à merveille la twittérature, avant même l’invention de la patate douce. Ce florilège anti-esthétique, cette poésie du désenchantement et objectivement stoïque, s’inscrit, comme nous dit l’éditeur – dans un échange épistolaire qui devrait être publié sous peu chez Gallimard : « à mon avis, sa démarche artistique s’inscrit très bien dans ce détournement de l'intention poétique au profit de la déception. Et la forme brève sied à merveille, encore à mon avis, à ce genre de discours ». Parlant de brève, ce morceau d’anthologie du recueil, Un médium/très moyen/me prédit/un avenir/très prochain, illustre à merveille le type de poésie à laquelle le lecteur passionné doit s’attendre. Car si Marcel Proust et James Joyce ont pondu des efforts qui rivalisent avec Victor

Lévy-Beaulieu pour la dimension des volumes, le critique souligne que Mathieu Latulippe met les mêmes efforts qu’un Nougé, Scutenaire, Peuchmaurd, Sternberg et j'en passe des Bashô et des Chazal ! De même, l’artiste, bachelier de l’UDM et maitre de Condordia en arts visuels, accouche d’une poésie pleine de tendresses, d’amours et de fatums, comme en fait foi ce poème prolixe : Non/je ne/suis pas/négatif. Loin des montées de lait de Denise Bombardier ou de l’humour salace d’Annie Brocoli, le poète nous entraine dans un univers où il ne se passe rien du tout.

 

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