Hélène Bayard, Autour de l’île, île d’Orléans, juin 2014
Pierre Lahoud est un historien doublé d’un extraordinaire photographe. Le 6 juin dernier, lors du lancement de son 21e livre, L’île d’Orléans, pays de tradition, son éditeur, Serge Lambert, l’a présenté comme un ardent défenseur du patrimoine, un amoureux des livres qui nous a fait connaître tous les coins de la province. Cette fois, Pierre vole en solo et nous présente une œuvre de mémoire: un recueil de photographies de l’île d’Orléans des 19e et 20e siècles, glanées dans diverses collections d’archives.
Pierre Lahoud est donc ce photographe qui regarde par l’œil de photographes exceptionnels qui l’ont précédé. Qu’ont-ils vu? «Ils ont tous pris plus ou moins les mêmes photos des mêmes vieilles maisons, intérieurs et paysages. Mais ils ont immortalisé un mode de vie, une culture qui va au-delà des murs de pierres. Ils nous ont transmis l’image de paysans aux champs ou d’artisans au travail, parfois pris sur le vif, parfois figés dans une mise en scène qui nous fait sourire. Mais cet héritage est inestimable: une image ancienne vaut un livre d’histoire», dit Pierre.
L’île d’Orléans nous est présentée ici village par village. Il est touchant de remonter dans le temps et de reconnaître lieux et bâtiments comme ils étaient il y a 150 ans et de pouvoir les comparer à leur allure actuelle; d’autres ont disparu, comme les moulins de Saint-Pierre et de Sainte-Famille, mais au moins il en reste ce souvenir. D’émouvantes photos, toutes en noir et blanc, nous présentent l’environnement et la vie quotidienne des gens de l’île, autrefois. On est captivé par un détail, par le sérieux du jeune fils d’Augustin Lemelin, de Saint-François, qui pose timidement, tenant dans ses mains un coq girouette en fer blanc aujourd’hui conservé au
Musée de la Civilisation; par le geste de madame Aubin, de Saint-Pierre, qui fabrique son fromage en compagnie de ses filles; par ces familles nombreuses qui posent fièrement en rang d’oignon sur le perron; par ces hommes endimanchés, en grande conversation, ne se sachant pas observés par la photographe Lida Moser, une Américaine de passage à l’île.
«Ces images, des Marius Barbeau, Omer Beaudoin, Edgar Gariépy, Ramsay Traquair, Jean-Paul Morisset, George A. Driscoll et autres, nous racontent des histoires», nous dit Pierre. Comme tout auteur qui connaît son sujet sur le bout des doigts, Pierre Lahoud sait en tirer l’essentiel: la photographie est la vedette de ce livre; les textes se font discrets, plus ou moins une demi-douzaine de lignes, parfois un peu plus lorsqu’il y ajoute une anecdote. Mais c’est suffisant et ça laisse l’œil libre de prendre son temps, de voir le moindre détail. Et en guise de premier chapitre, «d’entrée de l’île», pourrait-on dire, une dizaine de photos retraçant la construction de cette merveille d’ingénierie, le pont Taschereau, réclamé depuis 1888 par les insulaires et qui invitera la modernité chez eux.
Ceux qui connaissent Pierre Lahoud savent la générosité dont il a fait preuve au fil des ans envers les personnes et les institutions de l’île vouées à la sauvegarde du patrimoine. Dans cet esprit, il remettra aux équipements culturels qui vendront son livre une ristourne de 20%: un autre beau geste. On peut aussi se procurer ce magnifique livre dans toutes les librairies.