Tel un fil d’Ariane qui s’embobine à contresens du flux pétrolier

Raynald Laflamme, L’Écho de Saint-François, juin 2014

Parti le 10 mai dernier de Cacouna en vue de joindre Kanesatake le 14 juin, un parcours de 700 km, la marche des Peuples pour la Terre Mère, tel un fil d'Ariane qui s'embobine à contresens du flux pétrolier, traverse les mêmes terres, les mêmes paysages champêtres de nos communautés rurales, dans le seul objectif d'élargir le mouvement d'opposition citoyenne au projet de construction d'un oléoduc.

Des initiatives citoyennes dans chacune des régions traversées, le mouvement Stop Oléoduc, avait déjà mis la table au passage des marcheurs en menant la campagne Coule pas chez nous! qui diffuse l'information permettant de comprendre pourquoi le transport de pétrole par Oléoduc sur le territoire n'est pas souhaitable.

Porte-étendard de la cause environnementale au Québec, Steven Guilbault, co-fondateur d'Équiterre, a donné, le jeudi 8 mai, deux jours avant le départ des marcheurs, une rencontre d'information citoyenne sur le projet Oléoduc Énergie Est de la compagnie TransCanada. Devant une salle bien remplie où des sièges ont dû être ajoutés, il a dépeint les problématiques de la présence d'un nouveau pipeline à être construit, de l'Ontario jusqu'à St John au Nouveau-Brunswick, en passant par Cacouna, afin d'acheminer 1,1 million de barils/jour de pétrole, provenant, entre autres, des sables bitumineux de l'Alberta grâce à l'inversion d'un gazoduc.

Avant de donner la parole à Steven Guilbault, un propriétaire terrien du rang du Sault à Saint-Raphël, Denis Allaire, est venu exprimer les préoccupations des propriétaires concernés par la présence d'un pipeline qui traversera leur terre pour acheminer le pétrole vers les ports de Cacouna et St John pour le marché de l'exportation. À défaut de pouvoir stopper sa construction, les propriétaires veulent un tracé respectueux où les préoccupations de chacun seront entendues par TransCanada. Le modèle d'affaire qui vise l'expropriation d'une emprise à perpétuité allant jusqu'à 30 mètres est questionné. Via l'UPA, les producteurs agricoles ont déjà pris position en faveur de compensations annuelles au lieu d'un versement unique: une question d'équité pour eux avec des redevances justes et équitables. Aussi, la libre circulation sur l'emprise et les contraintes à l'usage dusol indisposent les agriculteurs. On laisse entendre que tous les autres usages que ceux restreints par la compagnie devront faire l'objet de permis dérogatoire auprès de l'Office National de l'Énergie, une juridiction fédérale qui en sera le gardien tant que du pétrole y sera acheminé.

 

Les marcheurs en direction de Saint-Raphaël où le biologiste Simon Arbour les attendait pour les entretenir sur la construction des oléoducs et leur impact sur les rivières.

 

Les violons d'automne

 

En catimini, l'automne dernier, TransCanada pipeline a rencontré les propriétaires terriens. La compagnie leur a fait miroiter pour chacun d'eux une compensation financière, dont le montant devait rester secret entre les deux partis. La visite des agents communautaires était assortie d'un discours minimisant les risques pour le transporteur qui se conformera aux des normes fédérales de sécurité minimisant tout risque pour l'environnement et du peu d'inconvénients qu'ils subiront de la présence du pipeline dans leurs champs. Une discussion récente avec deux propriétaires visés par le tracé a confirmé que le discours de TransCanada est susurrant comme un doux violon à leur oreille.

Les Municipalités visées par le tracé sont au nombre de 13 enChaudière -Appalaches, dont Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, et ses voisines à l'ouest et l'est, Saint-Raphaël et Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud. Elles sont discrètes pour l'instant, encore  hypnotisées par les revenus de taxes foncières à prélever sur la présence de l'oléoduc sur leur territoire.

Pour l'instant, seule la MRC de L'Islet s'est prononcée en défaveur. Dans quelques décennies à peine, lorsque le pétrole ne coulera plus dans sa veine, l'oléoduc deviendra une juridiction provinciale. Au rythme où les municipalités réclament plus de pouvoir et s'en verront finale-ment attribué par Québec, contraintes budgétaires aidant, elles pourront aussi hériter, cadeau du provincial, d'obligations liées à la décontamination des sites, dont l'oléoduc. Cette perspective a dû peser dans la prise de position de la MRC voisine.

«C'est un transfert indécent et injuste de richesse, des propriétaires terriens vers les actionnaires et les administrateurs mieux nantis des compagnies pétrolières canadiennes ou étrangères. Pour nous, les propriétaires, cela constitue une expropriation qui devrait se traduire

par des redevances justes et équitables, puisque nous serons les premiers gardiens, responsables de la sécurité de l'oléoduc sur nos terres et c'est nous qui en subirons tous les inconvénients et nuisances», de résumer Denis Allaire.

Steven Guilbaut, outre ses tableaux démontant la nouvelle réalité que le Canada est devenu un état pétrolier, a porté le discours des mises en garde des bénéfices économiques pour la province, qui, selon lui, sont au profit des pétrolières et d'intérêts internationaux. De plus, at- il lancé, ça retarde l'électrification des transports.

 

La «mob» au goût des jeunes

 

Ils sont jeunes, engagés dans la protection de l'environnement et joyeusement en action pour porter le message d'opposition à l'oléoduc. Tout au long de leur parcours, la mob-mobile, une équipe de quelques marcheurs, distribue aux portes le tract Coule pas chez nous! touten donnant des compléments d'information aux propriétaires des fermes directement touchés par l'oléoduc.

Le mardi 20 mai, la Marche des Peuples pour la Terre Mère a traversé la municipalité de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, d'est en ouest, en y livrant son message et en faisant signer la pétition. Plus tard, sur la route, Simon Arbour, un biologiste qui a déjà été très actif au Mouvement des Amis de la Rivière-de-Sud, a partagé avec les marcheurs des informations sur les techniques de construction des oléoducs et les conséquences qu'ils ont sur les rivières.

Le mercredi 21, le groupe a tenu une «vigile silencieuse» devant les bureaux du député fédéral, Steven Blenney «afin de rendre compte de la mise sous tutelle que subissent les citoyens par rapport au projet d'oléoduc dans la région.» Les marcheurs y ont récolté des témoignages de personnes inquiètes du développement du projet Énergie Est de TransCanada.

«Ce n'est pas rêveur de se mobiliser contre un tel projet, c'est majeur. Ce n'est jamais garanti de succès, mais c'est garanti que si l'on ne fait rien, c'est perdu d'avance», précisait Christian Simard, directeur général de Nature Québec, des propos recueillis le 10 mai par le quotidien Le Soleil à la suite du lancement à Québec de la campagne de sensibilisation citoyenne Coule pas chez nous!

La sensibilisation se poursuit maintenant sur la rive nord du fleuve jusqu'à Montréal où le groupe est attendu à Kanesatake. Pour suivre le fil de la Marche des Peuples (français, anglais et autochtones) pour la Terre Mère joignez-la quotidiennement sur Facebook. Pour l'action citoyenne dans la région repérer Stop oléoduc Montmagny-L'Islet sur le sitewww.coulepascheznous

 

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