Hélène Bayard, Autour de l’ile, l’île d’Orléans, mai 2014
Il aura fallu un peu moins de 20 ans à la Fondation François-Lamy pour mener à bien le projet d’acquisition, de classification et de restauration de la Maison Drouin. Mais l’oeuvre est maintenant achevée. La maison est prête à accueillir son public : belle et intéressante, elle témoigne de la ténacité et de l’amour (il n’y a pas d’autre mot!) que lui ont voués quelques passionnés bien décidés à préserver ce patrimoine exceptionnel.
Pendant toutes ces années, Alex Blouin, jusqu’à tout récemment président de la Fondation François-Lamy, et des membres et employés de la fondation ont travaillé sans compter, et aussi sans se décourager, pour réaliser cette tâche. «Je tiens à souligner la contribution au sauvetage de la Maison Drouin de Pierre Lahoud, alors responsable des dossiers de l’île d’Orléans au ministère de la Culture, inspiré par Georges-Henri Blouin, fondateur de la Fondation François-Lamy. Ils furent épaulés par d’autres membres de la fondation tout particulièrement Jean Rompré et Henri-Paul Thibault qui ont consacré deux ans à une recherche exhaustive sur la maison et produit une étude sur laquelle a reposé la demande de la classer monument historique», nous dit Alex Blouin. Modeste, Alex ne dit pas qu’il était responsable de la gestion du projet et qu’il s’occupait du financement ; pas une mince tâche.
En 1995, ces passionnés ont convaincu le ministère de la Culture de dégager les fonds nécessaires à l’achat de la maison. Durant les deux années suivantes, la maison fut fermée, le temps de procéder à un grand nettoyage. «On a même dû embaucher une firme spécialisée, au coût de 2 000 $, pour vider la maison des centaines de chauves-souris qui y avaient élu domicile ; ces petites bêtes sont protégées, il fallait donc les expulser sans les traumatiser », ajoute Alex.
En 1997, la maison fut enfin ouverte, les gens de la fondation ont réfléchi au type de restauration que l’on voulait entreprendre ; le choix s’est porté sur un modèle qui respecterait l’évolution vécue, au fil des siècles, par les différentes générations d’occupants. Le projet est arrivé à maturité en 2013. C’est alors que sont entrés en scène l’architecte Michel Boudreau et l’équipe d’ouvriers spécialisés de l’entrepreneur général Pouliot, l’archéologue Stéphane Noël, Bergeron Gagnon Inc., conseillers en patrimoine et en muséologie et la gestionnaire Marie- Josée Deschênes.
La Maison Drouin telle que révélée aujourd’hui invite à la découverte du lieu où, de 1730 à 1984, des familles ont vécu simplement, modestement. On s’est bien gardé d’effacer les traces des habitants des 19e et 20e siècles qui côtoient celles des occupants du Régime français. Mais ce qu’il y a d’exceptionnel, ici, c’est que justement ces changements, tout en témoignant de l’évolution dans l’habitat, ont été très limités, laissant intacte l’empreinte des générations antérieures. Pas de mélamine ici, ni de plinthes électriques, même pas de salle de bain. Planchers et plafonds, faits de larges planches de bois, ont été au public. Durant les années qui suivirent, conservés tels quels avec leurs traces de peinture d’époques différentes qui ont été simplement nettoyées ; on a même laissé un pan de mur plutôt lépreux dans l’état où on l’a trouvé, pour faire contraste. L’âtre et le four à pain du 18e siècle voisinent un poêle à bois deux-ponts du 19e. Malheureusement, les meubles et objets qui restaient après le départ des derniers propriétaires ont disparu. Mais la maison a tout de même retrouvé quelques beaux meubles fabriqués sur modèles anciens par M. Normand Larivière et plusieurs objets de la vie quotidienne ont trouvé place dans le décor.
À compter du début juin, on pourra visiter les cinq pièces du rez-de-chaussée. En grimpant à l’échelle de meunier qui conduit à l’étage, on pourra voir, sans y entrer cependant, la pièce dite «chambre cabane», une toute petite pièce qui était chauffée grâce à la chaleur dégagée par le poêle à bois du rez-de-chaussée et qui montait à l’étage par des ouvertures dans le plafond. Dans cette pièce nous attend une surprise : une oeuvre d’art et une installation de l’artiste Caroline Gagnée. Les visiteurs du 21e siècle auront le choix d’être accompagnés d’un(e) guide ou de déambuler à leur rythme avec une minitablette (visioguide). Cette dernière contient 27 capsules, des photos, un historique de la restauration. Très beau documentaire racontant la vie quotidienne des gens qui ont habité les lieux, l’usage des objets qui meublent la maison et des anecdotes révélant les liens entre les deux.