Le silence de la Restigouche de Jocelyne Mallet-Parent

Johanne Fournier, GRAFFICI, Gaspésie, juin 2014

Jocelyne Mallet-Parent vient de faire paraître son dernier roman. Le silence de la Restigouche, publié aux Éditions David, est basé sur les préjugés dont sont encore victimes les autochtones de la Gaspésie et sur l’omerta qui pèse souvent sur les familles des communautés isolées.

«Les bernaches avec les oies blanches, ça finit toujours par porter malheur », dira Billy Vicaire, l’un des personnages principaux sortis de l’imagination de cette auteure native de Tracadie, au Nouveau-Brunswick, mais qui habite le secteur d’Oak Bay, à Pointe-à-la-Croix, depuis une trentaine d’années.

Dans ses quatre ouvrages précédents, Jocelyne Mallet-Parent campe l’action ailleurs que dans son milieu, que ce soit en Afrique, en Afghanistan, en Chine ou en Inde. Mais l’idée de son dernier livre lui est venue l’an dernier, alors que le mouvement Idle No More prenait de l’ampleur au Canada. Arrivant d’un voyage en Inde, elle avait été très touchée par les castes. « J’ai mis à l’avant-scène des Autochtones et des Blancs que j’ai campés dans ma région, à cheval entre la Restigouche et la Matapédia, explique-t-elle. Le thème de ce livre-là, ça aurait pu s’appeler “L’autre”, “Le différent” ou “Celui qui n’a pas les mêmes valeurs que soi”. »

Dans ce récit, la nature est omniprésente. « Ça pourrait être un hymne à la nature à cause de la beauté et de la grandeur de ces rivières qui sont vraiment majestueuses, à cause aussi du saumon qui est symbolique parce qu’il fait le trait d’union entre les Blancs et les Autochtones depuis la nuit des temps. » La Restigouche est un lieu, mais elle est aussi un personnage puisqu’elle a été témoin de l’un des drames qui se jouent dans le roman. Le saumon, qui a toujours fait partie de l’histoire entre les Micmacs et les Gaspésiens, occupe une place prépondérante dans le roman. « Je trouve que c’est un bel hommage à rendre à cet animal qui est vraiment charismatique », estime Mme Mallet-Parent, qui connaît fort bien les rivières à saumon puisqu’elle est une adepte de pêche à la mouche.

Le silence de la Restigouche met en scène deux personnages plus grands que nature : un jeune et son grand-père, Simon et Billy Vicaire, deux autochtones. Dans la description des traits physiques de Billy Vicaire, plusieurs reconnaîtront Richard Adams, un célèbre guide de pêche au saumon sur les rivières Matapédia et Restigouche, aujourd’hui décédé. « Billy, qui est un grand sage, dit toujours que le pêcheur fait ses lois, mais que le saumon ne les écoute pas toujours », précise l’auteure. À 18 ans, une double quête habite Simon Vicaire, qui cherche son identité parce qu’il doit fréquenter l’école des Blancs, où il prend conscience de sa différence. « Il subit des jugements, des préjugés et de l’intimidation, raconte l’écrivaine. Il décide de faire avancer la cause autochtone, de faire changer la Loi sur les Indiens qui est rétrograde. Mais à l’école des Blancs, il a une forte attirance physique pour une jeune blanche, qui s’appelle Isabelle Bouchard. Voilà que sa famille lui défend de fréquenter cette jeune femme. Il ne sait pas pourquoi. »

C’est là que Simon comprendra, surtout grâce à son grand-père Billy, qu’il est possible de marcher dans ses propres traces, mais que le souvenir de celles de ses prédécesseurs demeure. Le roman commence d’ailleurs sur cette citation de Diderot : « Celui qui marche dans les pas d’autrui ne laisse pas ses propres traces ». Le silence de la Restigouche est le cinquième ouvrage de Jocelyne Mallet-Parent en sept ans. L’Acadienne d’origine et Gaspésienne d’adoption est diplômée en éducation et en littérature. Elle s’est mise à l’écriture à l’issue d’une brillante carrière où elle a été tour à tour enseignante, directrice d’une école secondaire et d’une commission scolaire, sous-ministre adjointe au ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick et correspondante nationale pour un organisme voué à la francophonie internationale. Son premier roman, Sous le même soleil, lui a valu le prix France-Acadie en 2007. En plus d’être invitée à plusieurs salons du livre au Québec et au Nouveau-Brunswick, elle a aussi participé à quelques événements littéraires en France.

 

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