Des anges dans la rue

Marie-Christine Gaudreau, L’Itinéraire, Montréal, le 15 avril 2014

Chaque deux semaines, la générosité se donne rendéz-vous au Carré Viger. Depuis quelques mois, les mouvements bénévoles qui viennent en aide aux personnes itinérantes, démunies ou vulnérables se multiplient. Les Anges de la rue sont un de ces groupes qui prônent l'entraide et le don de soi.

Nés de l'initiative de Mathieu Labrosse, les Anges de la rue distribuent de la nourriture, des vêtements et de la chaleur humaine aux sans-abri du Carré Viger. Ayant vécu trois ans dans la rue, Mathieu est animé du désir d'aider son prochain. «Lors de mon premier événement, j'ai rencontré un itinérant qui était en thérapie avec moi il y Q 11 ans. Fai réalisé qu'il était encore là, après tout ce temps et c'est venu me chercher». affirme-t-il.

De son côté, Fannie Leblanc a été sensibilisée à la cause en suivant le mouvement Rénovons le Québec sur Internet. Ayant envie de faire une différence dans sa communauté, elle s’est présentée à un événement au Carré Viger où elle a rencontré Mathieu. «C’est aussi une occasion pour moi d'affronter une peur. J'ai eu une mauvaise expérience avec les itinérants et, jusqu'à récemment, je ne pouvais pas marcher seule dans la rue, j'avais peur d'eux. Aujourd'hui, c'est tout le contraire, je les aborde, je les aime», explique la jeune femme.

Alexandre Paradis, fondateur de SOS Itinérant, s'est par la suite associé à Mathieu et Fannie. Ancien itinérant, il rêve de devenir travailleur de rue et il agit avec des amis à Berri-UQÀM. Lorsqu'il a réalisé que les Anges de la rue opéraient déjà pour le bien des personnes itinérantes tout près de là, il a choisi de s'unir à eux. SOS Itinérant s'implique dans les débats politiques concernant l'itinérance et milite pour réclamer plus d'actions de la Ville.

 

L'union fait la force

 

Le premier événement officiel des Anges de la rue a eu lieu le 9 novembre et une centaine de personnes s'y impliquent depuis. Parmi eux, on compte plusieurs membres de Rénovons le Québec, les groupes 321 Bonne Action, SOS Itinérant, Donner au suivant et La Brigade du bonheur. Outre ces rendez-vous bimensuels, Mathieu et Fannie agissent aussi en solo chaque semaine en allant porter de la nourriture ou simplement en allant parler avec ceux qui sont dans le besoin. «L'écoute est très importante. Il y a beaucoup de connexions qui se créent, nous sommes leur famille. Ils nous font confiance», raconte Mathieu Labrosse.

Armés de leur immense volonté, les Anges de la rue peuvent compter sur la générosité du public. «Nous avons un garage rempli de dons», souligne Fannie Leblanc. Pour l'instant, ils n'ont pas de partenaires, mais ils travaillent à l'obtention de commandites d'épiceries. Ils souhaitent aussi s'enregistrer comme organisme sans but lucratif.

«Les itinérants se parlent entre eux et nos actions gagnent en popularité. Il y en a toujours plusieurs qui attendent notre arrivée les jours d’évènements et certains nous donnent un coup de main », mentionne Mathieu Labrosse. L’ambiance festive, conviviale et chaleureuse attire les personnes isolées qui s'y sentent chez eux, sans aucun préjugé. Karine Landry, ex-itinérante, doit, en partie, sa reprise en mains aux Anges de la rue qui lui ont permis de s'en sortir. «Je suis sortie du parc depuis 104 jours. Lors du deuxième évènement au Carré Viger. Mathieu m'a reconnue, on a parlé et la graine a été semée. Une semaine plus tard, je quittais la rue», souligne la jeune femme. Elle a maintenant un logement et elle s'implique religieusement dans toutes les activités organisées par les Anges de la rue. «Avec les Anges de la rue, je désire faire exploser le positif, rallumer la flamme», s'exclame Mathieu Labrosse. Il croit que tout le monde peut changer avec des ressources appropriées.

 

«Make the homeless smile»

 

321 Bonne Action et Les Samaritaines sont deux groupes du même genre qui se sont inspirés du vidéo Make the homeless smile. La video présente deux jeunes qui distribuent nourriture et vêtements aux sans-abri. «Lorsque j'ai vu ça, j'ai réalisé qu'on pouvait aider les gens en toute simplicité, mais surtout que tout le monde pouvait faire une différence», raconte Suzanne Bougie, initiatrice du groupe Les Samaritaines.

Juan et Skyz, artistes à l'origine de 321 Bonne Action, ont eu la même révélation lorsqu'ils ont vu la vidéo. Ayant du talent en audiovisuel, ils ont décidé de s'unir pour poser de bonnes actions, tout en répandant du positif sur le web avec La web série qui fait plaisir. Entre autres, suite aux événements de Lac Mégantic, ils ont sillonné les épiceries et les magasins sur leur chemin pour réclamer spontanément des dons pour les sinistrés. Ils priorisent l'action à l'intention.

 

Inspirés à donner

 

Donner au suivant, un groupe de deux frères, Yannick et Sébastien, a remeublé entièrement les sinistrés d'un immeuble à logement qui été victime d'un incendie. «Nous lançons des appels et nous allons chercher les dons pour redistribuer aux gens qui en ont besoin», mentionnent les frères. L'un d'eux s'est retrouvé à la rue dans le passé. Il a réalisé en s'en sortant qu'il était gâté par la vie et a éprouvé le désir de donner de la force aux autres.

Olivier fait office de mascotte pour La Brigade du bonheur. Il assure la distribution de bonheur, d'amour et de paix. Homme positif, il trouvait qu'il manquait de lumière dans le quotidien des gens. Il voulait donner de la joie de vivre. Depuis janvier 2013, il visite des personnes âgées deux fois par mois et il offre des câlins au métro Berri-UOAM en souhaitant simplement une bonne journée aux passants. Mathieu et Fannie rêvent d'avoir un centre pour offrir des ressources aux gens dans le besoin. Toutefois, ils ont une réserve quant au changement de dynamique qui pourrait en découler. «Lorsque ça devient ton emploi, que tu es payé pour faire ce que tu fais, les gens s'ouvrent moins, le lien de confiance diminue», soulève Fannie Leblanc.

Quoi qu'il en soit, toutes ces organisations partagent le désir d'aider leur prochain, mais aussi la volonté d'élargir leurs horizons vers d'autres communautés telles que les personnes démunies, les enfants malades ou les personnes âgées. En peu de temps, la vague a fait du chemin, touchant les gens d'un bout à l'autre du Québec. Mode passagère ou réelle ouverture? Il reste que ces groupes sèment le bonheur autour d'eux et font une différence dans la vie de ceux qui croisent leur chemin.

 

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