Bain de jouvence

Sylvie Prévost, Le Journal des citoyens, Prévost, mars 2014

Le concert de Frédéric Bednarz et Natsuki Hiratsuka nous a plongés dans un répertoire étoffé et magnifique. Est-ce pour équilibrer ses intérêts que le violoniste a délaissé pour un soir le répertoire résolument contemporain du Quatuor Molinari? Le programme choisi, remarquablement équilibré, a puisé dans les œuvres du passé.

D’abord, la sonate HWV 371 d’Haendel. D’emblée, c’est la pureté du son qui frappe. Un jeu minutieux, peu de vibrato, rien d’appuyé, une interprétation immensément signifiante. Dans la mélancolie, la réflexion ou la joie, nous baignons dans un océan d’harmonies. La Sonate pour violon et piano en la majeur, de Frank, qui a suivi, est une œuvre de maturité, celle d’un compositeur en pleine possession de ses outils. Son langage plus récent, plus direct, est marqué par un profond lyrisme qui nous a pris à la gorge dès les premières mesures. Au contraire, la sonate KV 301, de Mozart respire la jeunesse, l’élégance souriante. Elle fut interprétée avec grâce et légèreté autant par la pianiste que le violoniste. Aucune dureté, aucune crispation, mais une précision et un ensemble parfaits. Nous ramenant vers plus de maturité, la Sonate en la majeur op. 100, de Brahms, a vu son foisonnement harmonique domestiqué, si je peux dire, au profit du sens. Autant le Mozart dansait à la surface des choses, autant le Brahms a plongé large et creux dans l’expérience humaine. Pourtant, il n’y eut rien de trop de la part des interprètes, ni lourdeur ni excès, seulement de l’émotion communiquée dans toute sa complexité et sa plénitude.

Si jamais on en doutait encore, trois courtes pièces de Kreisler ont achevé de prouver la virtuosité de ces musiciens. Trois viennoiseries, comme les a décrites Bednarz, brillantes, sucrées, mais redoutables. Ils ont fait mouche dans chacune.

On nous a bien régalés. De la musique fouillée puis épurée, des musiciens parfaitement à l’unisson autant dans leur interprétation que dans la qualité de leur jeu, pureté du son, pureté de la communication, achèvement des œuvres. Tous deux musiciens de grande réputation, ils nous ont offert une soirée à la hauteur de nos espérances. Certains spectateurs ont dit avoir été distraits par les bruyantes respirations du violoniste. On peut le comprendre, mais il faut bien respirer quand on chante comme ça…

 

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