Gilles Simard, Droit de parole, Québec, mars 2014
Guy Lavoie, un citoyen de la Basseville de Québec et « usager » de Pech (Programme d’encadrement clinique et d’hébergement) ayant souffert d’hallucinations auditives depuis sa prime jeunesse, est formel : « Si je n’avais qu’un seul conseil à donner aux nombreuses personnes qui entendent des voix, ce serait celui-ci… Parlez-en à quelqu’un, au médecin, à votre intervenant, à un ami, mais surtout, ne restez pas seul avec ça ! »
Guy, un homme de 51 ans diagnostiqué schizophrène et vivant maintenant une belle période de rétablissement, insiste : « Moi, à cause du tabou, à cause de la peur de passer pour « fou », j’ai attendu très longtemps avant d’en parler au médecin. Résultat, j’ai beaucoup souffert et je m’en suis voulu d’avoir attendu si longtemps. Anyway, maintenant, grâce à l’aide reçue, et aussi grâce à moi-même, je n’entends pratiquement plus rien. La nuit, quand je me réveille, je m’ennuie presque de mes voix. Je suis tellement plus heureux ! » s’exclame-t-il avec une belle lueur dans le regard.
« J’étais effrayé, je ne voulais pas en parler »
Né au Québec, mais ayant émigré très jeune aux États-Unis, Guy Lavoie commence à entendre des voix dès l’âge de huit ans : « Je croyais que c’était normal, dit-il, je ne pensais pas que c’était un désordre mental. » Plus tard, à l’adolescence, alors qu’il fréquente des jeunes filles, il se met à entendre une « voix féminine » qui est en réalité une pure hallucination. « J’ai capoté, lance Guy. J’étais effrayé, mais je ne voulais pas en parler parce que j’étais certain d’être la seule personne au monde à vivre ça. »
Par la suite, alors qu’il prend l’habitude de commettre des délits de tout ordre, le jeune homme entend régulièrement d’autres types de voix. « C’étaient des voix insinuantes, charmeuses, malveillantes, qui me disaient comment faire pour frauder, voler, obtenir de la drogue… Et moi, je les écoutais souvent. À cause de tout ça j’ai déjà fait du temps, ici et là-bas, aux States. »
Reprendre du pouvoir sur les voix
À l’adolescence, Guy finit par voir un premier psychiatre, mais, à cause des coûts très élevés, son père met fin au traitement. Malheureux, le jeune homme en prend son parti et muni de sa Carte verte, il gagnera sa croûte en exerçant 56 métiers au sud et à l’Ouest des É.U. « J’étais devenu un jack of all trades, dit-il. J’ai été mineur, journalier, mécanicien, opérateur, etc. » N’empêche, sa vie n’est pas un jardin de roses et les hallucinations sont présentes du matin au soir et même la nuit.
Au bout de vingt-cinq années, après une équipée à Victoria (B. C.) qui s’accompagne d’une première tentative de suicide, il voit un psychiatre et finit par lui « avouer », non sans réticence, entendre des voix. « J’ai été diagnostiqué schizophrène et j’ai tout de suite commencé à prendre du Risperdal (Neuroleptique de seconde génération employé comme anti psychotique dans le traitement de la schizophrénie). Là, les voix ont baissé de moitié et j’ai definitly réalisé que j’avais du pouvoir sur les voix. Maudit que j’ai regretté de ne pas en avoir parlé avant, » soupire Guy Lavoie.
« Mon cerveau a fait un flip flop. »
Une fois revenu au Québec, Lavoie, qui est aussi le père d’une jeune Québécoise, promène sa bosse ici et là, puis, se voit offrir par une intervenante de Pech un logement subventionné. « Là, rigole-t-il, mon cerveau a fait un flip flop! Je n’en revenais pas. » Au début, apeuré et affublé d’une longue barbe, le gars n’ose pas sortir et vit seul dans sa bulle, terré dans son logement.
Petit à petit, grâce au soutien des intervenantes Audrey, Manon, Patricia et Lydia, il prend confiance, s’aventure de plus en plus longtemps en ville et s’investit dans plusieurs comités socio-culturels. Qui plus est, de temps à autres, on lui demande de faire des témoignages devant divers publics. « À un moment donné, souligne Guy, j’ai senti qu’on me faisait confiance et j’ai vraiment commencé à me sentir utile. Quel bon feeling ! ».
« J’ai découvert un nouveau mode de vie! »
En plus de ses témoignages et de son implication sociale, Guy Lavoie fréquente depuis bientôt un an un groupe d’entendeurs de voix qui tient ses réunions dans l’édifice Sherpa, en Basse-ville de Québec. « Dans ce petit groupe-là, dit-il, j’ai appris des techniques pour dealer avec mes voix. Ça, puis échanger avec d’autres personnes vivant la même chose que moi, ça m’a beaucoup aidé. Mais, enchaîne-t-il, ce qui fait surtout la différence maintenant, c’est un nouveau médicament que le docteur m’a prescrit. Grâce à lui, mes voix sont réduites de presque quatre-vingts pour cent. C’est merveilleux. Je suis en train de découvrir la tranquillité, le silence. C’est vraiment un nouveau mode de vie. » Cela dit, l’homme entend bien poursuivre sur sa lancée du rétablissement. « J’aimerais bien revenir sur le marché du travail, confie-t-il. Et, je voudrais reprendre les études pour devenir technicien en informatique, même si je sais que ça ne sera pas facile à cause des prérequis. »
Enfin, en plus d’affirmer sa volonté de continuer à s’impliquer socialement pour ses pairs, Guy Lavoie réitère son conseil aux gens qui sont seuls et désemparés parce qu’ils entendent des voix : « Parlez-en! Ne restez pas seul avec ça, c’est trop pesant ! »