C’est votre tour

Jean-Pierre Robichaud, Le Pont de Palmarolle, mars 2014

Les jeunes ont toujours été revendicateurs, c’est connu. Rappelons-nous les immenses rassemblements de la Révolution tranquille des années 60. Ceux du « printemps érable » de 2012 n’ont pas inventé la formule. Dans les années 60, des centaines de milliers de jeunes investissaient la rue. Non pas pour abolir les frais de scolarité, qui étaient, toute proportion gardée, pas mal plus élevés qu’aujourd’hui. Les enjeux étaient d’un tout autre ordre. L’essence des revendications consistait à briser le carcan politico-religieux qui enserrait et étouffait la population. Et aussi la justice sociale; une minorité, surtout anglophone, contrôlait le capital au détriment de la majorité. La langue française était bafouée à Montréal, à l’ouest de la rue St-Laurent. L’éducation coûtait cher et un médecin était hors de prix.

Pierre Bourgeault, chef du mouvement R.I.N, attirait des dizaines de milliers de jeunes lors de ses allocutions. Par la suite arriva René Levesque et le PQ. Ces deux hommes avaient des rêves et nous les faisaient partager. En se structurant en parti politique, ils mettaient en place les outils pour changer le système. Et nous nous engagions, nous militions, nous vendions des cartes de membres à 5 $. Nous sortions, parlions, convainquions. Nous nous impliquions dans les structures, et les plus âgés se présentèrent à des postes électifs. Tous pour un, un pour tous. Ça a pris une génération et beaucoup de ténacité pour changer le cours des choses. Et nous y sommes arrivés. Les systèmes de santé et d’éducation, malgré leurs imperfections, servent aujourd’hui toute la population du Québec. Et que dire de la Loi 101 et la protection de la langue française.

Bien sûr il reste des choses à faire. Tout n’est pas parfait dans notre société. Les besoins changent d’une génération à l’autre et les «carrés rouges» sont venus tapageusement, à grands coups de casseroles, nous le rappeler au printemps 2012. Malheureusement, après avoir crié leur ras le bol dans la rue, ils sont retournés vaquer à leurs occupations quotidiennes. Sont disparus du radar. Comment envisagez-vous la suite des choses, je vous demande, les jeunes? Majeurs et vaccinés, dites-vous? Alors soyez conséquents. L’implication sociale et politique demeure toujours la seule voie pour influer sur le cours des choses, préparer votre avenir.

Qui sommes-nous les «boomers» pour décider dans quelle sorte d’avenir vous, les jeunes, vivrez plus tard? Nous l’avons d’abord rêvé notre avenir; puis nous avons pris les moyens, en nous investissant, pour le bâtir. Et maintenant, nous avons les deux pieds dedans.

En ce moment nous, les aînés et les «boomers», prenons encore beaucoup de place, je vous l’accorde. Nous n’avons qu’à constater la moyenne d’âge dans le bénévolat, les organisations locales et les conseils municipaux. Mais ce bassin, pour raison d’âge, rétrécit comme peau de chagrin. La place se libère; investissez-la. À vous maintenant de préparer votre avenir. Nous vous laissons le coffre d’outils, utilisez-le, à votre guise. Comme nous, vous ferez, bien sûr, des erreurs. Mais n’est-ce pas des erreurs qu’on apprend?

D’abord, allez voter. Puis, investissez- vous. Investissez le terrain de prise de décision. Le changement social et politique est moins affaire de mots que d’actions.

 

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