Pola Paradis, Le Lien, Hébertville, février 2014
En tout début d’année, il est de mise, dans divers milieux internationaux, de désigner une « personnalité de l’année ». Je m’arroge le droit, bien que sans titre ni raison particulière, de faire connaître mon choix personnel – Ce n’est ni du côté de l’international, non plus que dans le monde du vedettariat que j’ai trouvé « ma perle rare… » Je m’excuse auprès du pape François, de feu Nelson Mandela ou de tout autre « bonze » ayant été choisi par des journalistes renommés ou des agences spécialisées dans les sélections difficiles; c’est dans mon village que j’ai trouvé à qui décerner le titre de « Personnalité de l’année ».
Il ne s’agit pas d’un garçon turbulent, qui cherche à tout prix qu’on parle de lui – C’est plutôt le contraire! L’anonymat est sa terre de prédilection! Mais, quelle volonté, quel exemple éloquent de courage, de fierté bien dosée, de vaillance, d’assiduité dont fait montre ce beau jeune homme qui aurait pourtant toutes les raisons du monde de s’évader des contraintes du monde du travail puisque Kevin est… autiste. Kevin a eu la chance de naître dans un milieu exceptionnel, de parents eux-mêmes exceptionnels qui ont accepté cet enfant non comme une épreuve mais comme un cadeau – Ce fils « spécial » devenait, pour eux, une occasion de grandir avec lui; d’en faire un « homme » qui aura droit aux chances de la « débrouillardise » comme tout autre enfant dit « normal »… En l’acceptant, en l’accompagnant, en le guidant judicieusement, ils ont été des « aidants naturels » qui peuvent dire qu’ils ont réussi « une impressionnante mission de sauvetage».
Mais, qu’est-ce que fait ce garçon de si « extraordinaire » à mes yeux pour que je lui confère le titre de « ma personnalité de l’année »? C’est que, à chaque jour que Dieu me donne, je le vois passer, à une heure matinale, beau et proprement vêtu, pour aller prendre son travail au Havre Curé-Hébert – En effet, Kevin travaille! Je suis impressionnée par son assiduité à se rendre exécuter les tâches qui lui sont imparties et qu’il accomplit à la satisfaction de ceux et celles dont il dépend. On m’a dit qu’il était un plaisant compagnon de travail; les tâches qui lui sont assignées sont toutes traduites en pictogrammes et s’inscrivent dans une routine comprise et assimilée par ce garçon. Il est heureux dans ce qu’il fait : n’est-ce pas là l’essentiel d’une vie! Quand, à cela, s’ajoutent la fierté d’un travail bien fait, l’assiduité dans l’accomplissement de tâches humbles mais incontournables, l’acceptation amicale d’un entourage sympathique, les conditions sont réunies pour faire une réussite de ce que d’aucuns appellent un handicap.
Le pape François impressionne par son humilité traduite en gestes éloquents; Nelson Mandela a eu droit à des hommages dithyrambiques avant que sa dépouille funèbre ne retrouve un peu de calme; quant à Edward Snowden qui a mis à jour le scandale américain de l’écoute électronique qui aurait dû voler la vedette au pape François, son étoile file à côté du traîneau du Père Noël lequel reviendra dans quelques mois…. Ma personnalité à moi ne connaîtra pas la gloire de ces stars à la « une » de l’actualité mais Kevin Larouche, originaire et bien présent aujourd’hui, dans son patelin, est pour moi, une personnalité inspirante et méritante. Derrière toi, Kevin, je salue tes merveilleux parents, auteurs de tes jours et de ta réussite, je lis la générosité de tes répondants gouvernementaux, de tes employeurs actuels, de tes compagnons et compagnes de travail, de la clientèle du « Havre Curé-Hébert » qui t’a adopté avec joie… Tu mérites d’être ma « personnalité de l’année » à plus d’un titre, le plus beau étant celui de faire mentir les statistiques qui veulent que la « fierté de gagner sa croûte » ne soit l’apanage que des « Bien portants ».