La bataille de plusieurs municipalités contre l’exploitation des gaz de schiste

Serge Cloutier, Le p’tit journal de Woburn, février/mars 2014

Le gaz de schiste est enfermé dans une roche imperméable située profondément dans le sous-sol. Pour l’extraire, il faut briser le schiste qui l’emprisonne. C’est ce qu’on appelle la fracturation hydraulique. Le procédé consiste à forer et à injecter un produit qui provoque de toutes petites fractures dans la roche contenant le gaz. L’opération rend la roche poreuse et permet au gaz de se libérer jusqu’au puits afin d’être récupéré en surface (voir l’illustration ci-dessous).

Premier problème, ce procédé requiert d’énormes quantités d’eau. Tellement d’eau que cela peut faire baisser la nappe phréatique. Deuxième problème, l’eau injectée contient divers produits, comme du sable, pour empêcher que les fractures se referment. On y trouve aussi des biocides pour réduire la quantité de bactéries présentes. Et des lubrifiants qui facilitent la pénétration du sable et qui augmentent la productivité du processus d’extraction. En moyenne, 30 opérations de fracturation sont nécessaires pour un puits d’un kilomètre de long. Des centaines de produits chimiques toxiques et même cancérigènes sont alors injectés dans le sous-sol. Ces produits risquent de remonter et de contaminer l’eau potable et l’environnement et on ne sait toujours pas comment traiter ces eaux usées qui remontent à la surface.

Alors, on se demande pourquoi la municipalité n’interdit pas, tout simplement, ces exploitations. La réponse est étonnante ! C’est parce que le sous-sol ne nous appartient pas ! Imaginons que nous achetons une maison et que le lendemain un entrepreneur vienne creuser notre cave en affirmant que la maison nous appartient, mais pas la cave. C’est exactement ce qui se passe avec la Loi sur les mines. Demain matin, une compagnie de gaz peut débarquer avec ses camions et son matériel de forage pour faire des trous sur nos terrains. Parce qu’il a détecté des marques de gaz de schiste, ou alors de l’or ou du cuivre. Rien à dire puisque l’entreprise a acquis un claim.

Le sous-sol, en effet, est divisé en petits carrés qu’on appelle des claims. N’importe qui peut acquérir le droit d’exploitation de ces claims. On aura beau protester haut et fort, si un individu ou une entreprise possède un claim, il a le droit d’exploiter le sous-sol. Voilà pourquoi les municipalités, comme Woburn, ne peuvent pas adopter de règlement interdisant l’exploitation des gaz de schiste. Le sous-sol ne relève pas de leur juridiction. Et vous voulez acquérir les claims sous vos pieds ? Oubliez ça ! Tous les claims de la région sont pratiquement déjà attribués.

Par contre, les municipalités régissent l’environnement, l’eau potable, la contamination de la nappe phréatique, et le transport et l’injection dans le sol de produits toxiques. C’est sur ce terrain que se prépare actuellement la bataille. Jusqu’à maintenant, une soixante de municipalités du Québec ont adopté un règlement concernant la contamination de la nappe phréatique et le déversement de produits toxiques dans le sol. Un pas en avant pour protéger l’environnement, selon l’avis de plusieurs. Toutefois, ce règlement n’a pas empêché la compagnie Pétrolia de déposer une requête en cour provinciale pour faire invalider le règlement adopté par la ville de Gaspé. À suivre ! Le conseil municipal de Woburn élabore en ce moment un règlement de ce type et tente de lui donner plus de mordant. Pendant ce temps, plusieurs organismes exigent du gouvernement qu’il prenne ses responsabilités et adopte un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste. Gageons que plusieurs personnes profiteront des prochaines élections provinciales pour questionner les partis en lice et connaître leur intention à ce sujet.

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