Un répulsif sonore pour éloigner les jeunes : Solution ou nouveau problème?

Guillaume Rosier, Le Trait d’Union du Nord, Fermont, le 27 janvier 2014

La plupart des jeunes Fermontois l'auront déjà remarqué, où plutôt entendu. À la fin de l'année dernière, un dispositif sonore destiné à disperser les adolescents a été instané dans le mur-écran. L'objectif? Mettre un terme à la flânerie et au vandalisme à l'entrée du centre commercial, un problème récurrent qui affecte résidents et commerçants. Certains Fermontois regrettent cependant cette initiative, jugée trop radicale selon eux.

Le dispositif a été mis en place par le Service des installations communautaires de la compagnie minière ArcelorMittal, qui possède une partie du mur-écran de Fermont. Il s'agit d'un boitier fixé au mur qui émet des sons à très haute fréquence, audibles habituellement par les moins de 25 ans. En effet en vieillissant l'oreille se dégrade naturellement et certains sons deviennent inaudibles. Toutefois, la méthode ne fonctionne pas à 100 % : certaines personnes plus âgées, selon leur système auditif, peuvent encore percevoir le son du boitier.

Jean-Phillipe Bédard, un résident du mur-écran dans la mi-vingtaine, se souvient de la première fois où il a entendu le son du boitier : « Ce jour-là, je m'en allais tout simplement faire mon épicerie. Arrivé au niveau de la porte 33, j'ai commencé à entendre un sifflement strident. Le son s'est amplifié à mesure que j'approchai des portes automatiques. J'avais fait de la motoneige juste avant et je me suis demandé si je ne souffrais pas d'une perte d'audition à cause du bruit. »

Pour les plus jeunes, il est impossible de rester trop longtemps à proximité de l'appareil. En effet le son devient rapidement insupportable. Au moment d'écrire ces lignes, l'appareil se déclenchait de façon aléatoire.

 

À la fois populaire et controversée en Europe

 

La technique est très utilisée en Europe depuis plusieurs années, surtout en Grande-Bretagne où le produit est commercialisé sous le nom de Mosquito. Cependant, la polémique s'est peu à peu installée. En 2008, Roselyne Bachelot, la ministre française de la Santé, s'est opposée avec virulence aux boitiers : « Il s'agit d'une provocation. Un tel dispositif criminalise la jeunesse, associant les jeunes à des voyous. Comment un dialogue pourrait-il s'établir avec un tel appareil? Une société qui arriverait à un tel degré acterait l'échec du dialogue entre générations. »

À Fermont, plusieurs habitants s'interrogent: pourquoi les ados ne causant pas de problèmes devraient-ils subir le même traitement que les autres? Pourquoi sanctionner toute une partie de la population? Le dispositif, même s'il vise à la base les adolescents perturbateurs, affecte l'ensemble des jeunes : jeunes adultes, adolescents, enfants, nourrissons, sans parler des foetus des femmes enceintes. Qui plus est, le dispositif est installé non loin du CPE le Mur-Mûr. Marie-Pierre Brodeur, une jeune mère de famille, raconte: « L'autre jour, ma fille s'est mise les mains sur les oreilles en sortant de la garderie. Elle me demandait ce qui se passait. Mon petit bonhomme de trois mois, avec lequel je venais chercher ma fille, a été réveillé. »

 

Un mal pour un bien?

 

Selon Lyne Fournier, directrice du CPE le Mur-Mûr, l'appareil ne gêne absolument pas le bon déroulement des activités. Le son du boîtier ne s'entendrait pas de l'intérieur des locaux de la garderie. « Aucun enfant ne s'est plaint ou a fait état d'une gêne par rapport au bruit », affirme Mme Fournier. L'installation du dispositif aurait même amélioré la situation aux abords du CPE. La directrice explique: « Il n'y a pas très longtemps, nous avons eu un digicode brulé et une vitre cassée à la suite d'une bagarre. Plusieurs jeunes ont l'habitude de flâner à proximité du CPE, avec tous les désagréments que cela entraine. Je ne sais pas si le boitier y est pour quelque chose, mais on observe une grosse différence.»

 

Des ajustements

 

Réjeanne Le Bloch, en charge des communications à la mine du Mont-Wright, explique: « Le dispositif a été installé pour que chacun puisse vivre en harmonie. Il n'avait pas été prévu que cela puisse importuner des utilisateurs du CPE. » Selon le Service des installations communautaires d'ArcelorMittal, l'appareil sera programmé pour ne pas se déclencher lors de l'ouverture et la fermeture du CPE. Aussi, le service réfléchit à des alternatives potentielles telles que relocaliser l'appareil ou le remplacer par de la musique classique. Toute personne ayant des interrogations est priée de les transmettre au Service des installations communautaires.

Pour Marie-Pierre Brodeur, il demeure important de privilégier le dialogue avec les ados : « Ce ne sont pas des animaux que l'on chasse avec des bruits agressants. II suffirait simplement de leur parler.
 

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