Saint-Charles, vendue à rabais

Mélanie LeGrand, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, janvier 2014

Printemps 2012, premier contact avec la passion et l’urgence d’agir en ce qui concerne les gaz de schiste. En effet, lors du colloque de l’Amecq, nous avions partagé notre table avec deux personnes fortement impliquées dans ce délicat dossier (Mouton Noir et un journal de l’Estrie). Après quelques échanges, je me consolais en me remémorant que «le conseil ne sait pas si des forages auront lieu sur le territoire. La municipalité affirme haut et fort qu’elle refuse à l’avance de traiter les eaux usées générées par le procédé d’extraction, en raison des solvants chimiques utilisés.» [conseil municipal du 2010-11-15].

Plus tard, je me questionnais sur la pertinence d’approfondir ce sujet plutôt lointain. Par curiosité, je lançais quelques recherches internet en tapant les mots «claims», «claim minier» et «Saint-Charles-de-Bellechasse». Les premiers résultats ne furent pas concluants. C’est en tapant simplement les mots «mines» et «St-Charles» que l’histoire prit forme.

 

Des résultats surprenants

 

Plusieurs communications sur les réseaux sociaux allaient dans ce sens : «deux compagnies gazières, Molopo Canada et Talisman Energy, ont acheté les droits d’exploration en dessous de 12 des 20 municipalités de la MRC de Bellechasse. C’est ce que l’on a appris hier soir (mercredi) lors de la rencontre mensuelle des maires de cette MRC. Les sous-sols des municipalités de Beaumont, Saint-Michel, Saint-Vallier, Saint-Charles, Saint-Henri et La Durantaye ont été vendus à 100 %, à 0,10 $/l’hectare, par le gouvernement du Québec. Saint-Anselme, Honfleur, Saint-Gervais et Saint-Raphaël à 90 % Saint-Nérée à 10 % et Armagh à 5 %. Des textes de messieurs André Poulin ainsi que de Serge Lamontagne, journalistes des médias régionaux, sont venus confirmer le sujet. Saint-Charles aura donc été vendue… à rabais!

 

La fracturation hydraulique

 

Le schiste est la roche sédimentaire la plus commune de la terre et c’est dans sa surface poreuse qu’est renfermé le gaz du même nom. L’industrie pétrolière et gazière se tourne depuis quelque temps vers la production de cette énergie fossile en raison de la baisse des stocks des autres types d’énergies, souvent non renouvelables. Ce gaz est en profondeur (2 à 3 km) et couvre de grandes étendues. Afin de réduire les coûts de production, la fracturation hydraulique est utilisée. Cela consiste à projeter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans la roche et de capturer le gaz libéré. Avec cette technique d’extraction, il est également possible de se rendre à 8 kilomètres de distance de l’endroit foré. Les retombées socio-économiques, même si elles sont éphémères, semblent charmer l’industrie gazière ainsi que le gouvernement, et ce, malgré les risques reliés. Ces risques pour les citoyens sont variés : secousses sismiques, contamination de la nappe phréatique et de l’eau potable, affaissements de terrain, pollution visuelle et sonore (déplacements routiers, usine), problèmes de santé reliés, déplacement de la faune… En décembre 2010, une étude menée sur le 19 des 31 puits inspectés par le MRNF laissait fuir du gaz naturel.

 

Depuis, la situation aurait-elle changé ?

 

Comme pour l’extraction minière au Québec qui a laissé la décontamination et restauration de plus de 650 sites miniers sous la responsabilité du gouvernement (facture de plus de 1,2 milliard de dollars), les compagnies du schiste, rebouchent le forage avec du ciment et quittent les lieux, une fois l’extraction terminée, laissant à nouveau la responsabilité financière à la province alors que le gaz risque toujours d’infiltrer la nappe phréatique. Au moment d’écrire le présent texte, la publication de l’ÉES (évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste), prévue au printemps puis en novembre 2013, a maintenant été repoussée à 2014. 78 études indépendantes ont été menées par différentes autorités. Pour les personnes intéressées à ce rapport, veuillez consulter le site du Comité ÉES sur le gaz de schiste à l’adresse mentionnée en fin d’article.

 

Saint-Charles

 

Saint-Charles est incluse dans la zone avec potentiel de gaz de schiste de la vallée du Saint-Laurent par le ministère des Ressources naturelles et forestières et les claims ont été vendus aux compagnies Molopo Canada et Talisman Energy pour la somme de 0,10 $/hectare, soit, vendue pour moins de mille dollars. Il aurait été possible de se procurer facilement (sur internet) ses claims auprès du MRNF et il est fort probable que plusieurs Charléens l’auraient fait. Malheureusement, ce fait n’était connu que par les principales intéressées, les compagnies minières.

 

Faut-il avoir peur?

 

À ce jour, non, mais il faut demeurer prudent. Des modifications à la LQE demandent maintenant que de tels projets suggèrent que des consultations de la population soient faites et médiatisées dans les journaux locaux. De plus, l’administration municipale assure posséder la même volonté qu’en 2010, à savoir qu’elle refuse de traiter les eaux d’une telle industrie. Par contre, le documentaire «20 000 puits sous les terres» nous présente un exemple d’eau polluée, contenue dans cinq camions-citernes et refusée par l’usine d’épuration des eaux de Drummondville qui aurait par la suite été «perdue» dans la nature…

Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste (projet de loi no 37)

Possible moratoire, le projet de loi no 37 pourrait protéger temporairement les municipalités des basses terres du Saint-Laurent de ce type d’exploitation. Initié par le ministre Blanchet, le projet a été envoyé le 3 décembre vers une consultation publique dès février et une commission parlementaire. Si adoptée, cette loi (fragile) suspendra pour une période de cinq ans, ou jusqu’à ce qu’une loi sur les hydrocarbures, les autorisations et permis de forage soit votée.

 

Quoi faire?

 

Participer aux consultations, se tenir informé et demeurer vigilant. Selon la coalition citoyenne gaz de schiste Beauce-Etchemin, les propriétaires de terrains de plus d’un hectare (108 000 pi²) doivent être obligatoirement rejoints par la compagnie pour qu’un accès au terrain soit autorisé.

 

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