Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, février 2014
À l’heure où les municipalités doivent trouver des solutions pour détourner leurs matières organiques du dépotoir, l’expérience de La Martre pourrait en inspirer certaines. Chez Roger Fournier, le tas de compost se transforme peu à peu en riche terre noire qui dort sous la neige. L’aubergiste de La Martre composte depuis 30 ans. « J’avais besoin d’amender la terre de mon jardin, dit-il. J’ai commencé à mettre mes épluchures dans un creux de mon terrain. » Deux de ses voisines, moins enclines à composter chez elles, livrent leurs matières organiques chez M. Fournier.
En 2012, 74 % des 138 ménages de La Martre faisaient comme M. Fournier et ses voisines, à l’issue d’un projet mené par la Coop du Cap, un organisme du secteur. Le jumelage entre voisins, la sensibilisation porte-à-porte et la distribution de bacs pour composter ont permis d’atteindre cette proportion. Selon Catherine Beau-Ferron, de la Coop, La Martre aurait pu faire encore mieux si le projet avait été mené à terme. « Il nous restait à retourner voir ceux qui n’étaient pas prêts tout de suite, les récalcitrants et les commerces. »
Pourtant, le compostage domestique (à la maison) n’était pas le plan A de la Coop, qui envisageait de transporter les matières organiques de La Martre par camion vers ses jardins de Cap-au-Renard. Le coût et le temps de transport l’ont fait réfléchir. « On est revenus au gros bon sens », affirme Mme Beau-Ferron. Le compostage domestique est « moins cher et plus logique » en plus d’éviter la consommation de pétrole, dit-elle. « On pense que ça doit être la solution pour toutes les zones à faible densité. Envoyer nos pelures de banane à Matane ou Rivière-du-Loup [où sont expédiés les déchets et le recyclage de la Haute-Gaspésie], ce ne serait pas un gain au plan du bilan carbone. »
Selon Mme Beau-Ferron, les villages de l’est de la Haute-Gaspésie – qui produisent 20 % des matières organiques de la MRC – gagneraient à gérer eux-mêmes leur compost.
Objectif 2020 : Rocher-Percé en avance
La gestion des matières résiduelles se décide au niveau des MRC, qui devront trouver une solution bientôt pour composter. C’est que Québec a mis la barre haute : en 2015, 60 % des matières organiques de la province devront être recyclées, soit trois fois plus qu’à l’heure actuelle. Dès 2020, ces matières seront bannies à 100 % des dépotoirs, stipule la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles.
En Gaspésie, la MRC la plus avancée est Rocher-Percé. On y collecte le bac brun depuis la fin de l’automne 2012 pour l’expédier vers un site commun de compostage à Chandler. En un an, près de 2 000 tonnes de matières organiques ont été détournées de l’enfouissement. Environ 35 % des résidences ont utilisé leur bac de manière soutenue.
Compostage domestique ou bac brun ? Rocher-Percé s’était d’abord posé la question. Un projet-pilote a comparé les deux méthodes. Résultat : la collecte a permis de détourner de l’enfouissement six à huit fois plus de matières organiques que le compostage maison, indique la directrice de la Régie intermunicipale de gestion des matières résiduelles de la Gaspésie, Nathalie Drapeau. Pourquoi ? Beaucoup de participants cessaient d’approvisionner leur tas de compost en hiver. Des matières malaisées à composter chez soi, comme les restes de viande ou les essuie-tout sales, peuvent très bien être jetées au bac brun.
« Le compostage domestique demeure l’approche la plus économique, croit Mme Drapeau. C’est la meilleure solution quand on vise un détournement minimal. Mais quand on veut aller plus loin, desservir les institutions, commerces et industries, ça ne marche plus. »
Aucune des quatre autres MRC de la Gaspésie n’a encore arrêté de solution pour ses matières organiques. Certaines n’en ont même pas encore discuté. Questionnées par GRAFFICI, la plupart des MRC se disent ouvertes à un scénario mixte, où les petites municipalités feraient du compostage domestique, et où les zones plus urbaines bénéficieraient du bac brun.