À 77 ans… : Un tour du monde en solitaire

Jocelyne Aird-Bélanger, Ski-se-Dit, Val-David, janvier 2014

Pour commencer l’année 2014 d’un bon pied, quoi de mieux qu’un voyage autour du monde… par l’est, en traversant toute la Russie de la mer du Japon jusqu’au golfe de Finlande sur la mer Baltique! On ne parle pas ici de l’expédition d’un jeune voyageur bien costaud, prêt à toutes les aventures. Il s’agit plutôt du voyage en solitaire d’une globe-trotteuse de 77 ans qui parle bien l’espagnol, le français et l’anglais, mais très peu le russe! Mon amie Ofelia Meza, une Canadienne d’origine chilienne qui été forcée de quitter le Chili il y a bien longtemps, est un exemple extrême de résilience, d’intelligence et de force. À 77 ans, elle vient de faire son tour du monde, seule et avec beaucoup de plaisir, en partant de Montréal pour aller à Vancouver, puis à Séoul, pour enfin atterrir à Vladivostok, d’où elle s’est rendue à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Soit 10 000 kilomètres plus loin. Finalement, elle revient à son point de départ après plus de deux mois, dont sept jours complets sur le Transsibérien d’est en ouest, pour aller au devant de l’automne qui s’avançait sur les steppes, avec ici et là quelques arrêts au milieu de l’immensité russe.

 

Préparation

 

Voulant voyager de façon indépendante, Ofelia a commencé par étudier le russe en 2011 et 2012 car, sans ces études, un voyage autonome n’aurait pas été possible. Non seulement faut-il parler un peu la langue de ce grand pays, mais il faut surtout arriver à lire l’alphabet cyrillique dans son dictionnaire et sur le quai des gares… si on veut pouvoir aller dans la bonne direction. La lecture de nombreux guides de voyage, de textes littéraires et de plusieurs récits de voyage d’auteurs russes ou étrangers portant sur la Russie ont complété sa formation, en plus du visionnement de tous les films russes disponibles dans les festivals ou en DVD.

Pour cette voyageuse d’expérience, quelques indispensables : un ordinateur portable, question de faire des réservations tout au long du séjour; un bon guide de voyage; la santé, la confiance et une attitude de curiosité positive devant les nouveautés que chaque jour apporte, même les expériences les moins jouissives. Elle prône également assez de flexibilité pour changer ses plans spontanément, au besoin.

 

En route

 

Après avoir traversé tout le Canada et profité de la vue et du bon service de Via Rail, elle passe quelques jours à Vancouver la magnifique. Puis, elle s’est envole vers Séoul, en Corée du Sud. Après une courte escale de quelque jours, elle prend un autre vol jusqu’à Vladivostok, où elle arrive… en plein festival rock! L’atmosphère de Vladivostok est sans pareille. Port ouvert sur l’océan Pacifique et la mer du Japon, cette ville de Sibérie est la plus importante à l’extrême est de toute la Russie. Comme c’est ici la fin de la ligne du Transsibérien, on y rencontre beaucoup de touristes, surtout asiatiques. Les gens se promènent tout le long d’une belle rue piétonne et montent à bord d’un funiculaire pour découvrir la ville, qui jouit d’une topographie intéressante. Une agréable promenade avec une vue sur la mer descend vers le port et la gare. Un transport en commun efficace de l’aéroport à la ville et un pont très moderne ont été mis en place lors d’une conférence internationale en 2012.

 

À bord du ?????????????? ??????????

 

Ofelia avait choisi de faire ce voyage d’est en ouest pour éviter l’arrivée des froids de l’automne et, chaque jour, elle avançait vers un climat plus doux et des arbres de plus en plus dorés. Le Transsibérien est un chemin de fer souvent associée à la ligne russe transcontinentale principale, qui part de Moscou et relie des centaines de petites et grandes villes des parties européenne et asiatique de la Russie. Étendu sur 9 259 km (5 753 milles) de voies ferrées, il couvre un nombre record de sept fuseaux horaires et il faut de sept à huit jours pour aller d’un bout à l’autre. C’est le troisième plus long service continu dans le monde. Voyageant en deuxième classe, Ofelia avait réservé une couchette qui se transformait le jour en banquette. Au cours de nombreuses escales tout au long de la route, et pour rompre la monotonie des steppes, elle a visité le pays et découvert des coins intéressants. Un jour, elle est descendue à Irkoutsk pour faire un détour jusqu’à l’île d’Olkhon, sur le lac Baïkal. Elle a été frappée par la beauté de cet immense lac transparent qui, ce jour-là, était d’un bleu semblable à celui de la Méditerranée, vue de la Côte d’Azur. Plus grand réservoir d’eau douce du monde, le lac Baïkal contient une eau qu’on peut boire sans danger à partir de quelques mètres de la côte. Il atteint une profondeur de 1 741 m et son volume d’eau serait égal à celui de tous nos Grands Lacs réunis. Imaginez le coup d’oeil!

Le voyage et ces arrêts ont été l’occasion de nombreuses rencontres, même si la langue demeurait un obstacle. Dans la salle d’attente d’une petite gare perdue, une vieille dame qui mangeait une pomme lui en offre une avec un sourire. Ailleurs dans le train, deux femmes russes à la retraite l’invitent à prendre le thé dans leur compartiment, lui offrent des biscuits, de la crème glacée et un souvenir d’Ekaterinbourg, leur ville d’origine. Elles lui montrent des photos et posent de nombreuses questions sur son pays, son voyage, sa vie de ce côté-ci du monde. Encore cette fois-là, le dictionnaire a été bien utile.

À Khabarovsk, un jeune couple la conduit à son hôtel et lui prête son téléphone portable au cas où elle aurait des problèmes. Elle pourrait citer beaucoup d’autres exemples de la gentillesse de la plupart des Russes à son égard, qualité qui faisait malheureusement défaut à la majorité des fonctionnaires…

 

??????
 

À Moscou, elle habitait dans une auberge de jeunesse, question d’être à distance de marche des principaux centres d’intérêt, comme le Kremlin, l’église Saint-Nicolas ou la Nouvelle Galerie Tretiakov, l’impressionnant musée d’art moderne qui expose de très nombreux tableaux russes du XXe siècle.

Ce voyage de plus de six semaines s’est terminé à Saint-Pétersbourg. Avec de longues promenades dans les ruesanciennes, des excursions sur la Neva, sur les nombreux canaux de la ville, ponctuées de pauses dans les librairies ou les cafés, accompagnées d’une pâtisserie, comme chez Singer, face à la cathédrale de Kazan. Comme elle ne pouvait bavarder en russe, il lui a été difficile de se faire une idée de la vie des gens qui n’appartiennent pas au groupe des « nouveaux Russes ». Elle a vu des pauvres et des gens qui quêtaient. Il s’agissait, la plupart du temps, de personnes âgées. Mais elle n’a pas vu, comme ici, en plein jour au centre-ville, des vendeurs de drogue ou des personnes intoxiquées, ou encore des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Outre la langue, les escaliers dans les gares ont été un problème récurrent.

Dans toutes ces gares, elle a réalisé qu’il n’y avait pas d’ascenseurs, malgré les longs et nombreux escaliers pour entrer, aller à la cafétéria ou encore pour accéder aux quais. Et tout cela en traînant une petite valise de 11 kg, un petit sac à dos, sa petite taille et ses 77 ans! Hélas! Il ne semblait y avoir de porteur nulle part. Malgré tout, Ofelia a été frappée par l’élégance des femmes russes, les nombreux kiosques à fleurs un peu partout dans le pays et cette charmante habitude qu’ont les Russes d’en offrir!

 

Une suggestion : GO!

 

Il s’agit, dit-elle, d’adapter le voyage à ses intérêts, à ses moyens physiques et économiques. Un voyage très structuré (dates précises, réservations d’hôtels, etc.) convient à certains. D’autres préfèrent décider la veille de ce qu’ils feront le lendemain. Enfin, il y en a d’autres qui optent pour un juste milieu. Ofelia a l’habitude de voyager léger, avec des vêtements confortables. Elle se fait un devoir de respecter les coutumes des lieux visités. Après avoir visité l’Amérique du Sud et du Nord, une grande partie de l’Europe et alors qu’elle vient de faire son tour du monde, avec et malgré ses soixante-dix-sept printemps, elle suggère de prendre son temps. D’aller à son rythme car, de toute façon, il est impossible de tout voir.

 

Repartir

 

Inspirant, n’est-ce pas? Il y a tant de gens, même jeunes, qui n’ont pas cette débrouillardise et cette curiosité! Le temps qu’Ofelia a mis à la préparation de cette expédition, l’apprentissage non seulement d’une langue, mais de tout un alphabet, sa manière si contemporaine de traîner son ordinateur et de faire ses réservations en ligne, ce sont des méthodes propres à une jeune femme de 30 ans… plutôt dégourdie! Aurait-elle d’autres projets de voyage? Bien sûr! Ofelia Meza aimerait maintenant visiter un pays de l’Afrique noire, son voyage projeté au Mali ayant été décommandé à cause du coup d’État de 2012. Quelques pays du Sud-Est asiatique et l’Australie l’attirent, aussi…

Un conseil de cette infatigable globe-trotteuse : Respectez les gens et les lieux. Admirez ce qui vous semble intéressant. Gardez pour vous les commentaires déplaisants et les comparaisons oiseuses. Essayez de comprendre.

classé sous : Non classé