Thierry Haroun, GRAFFICI, Gaspésie, janvier 2014
Les récents propos tenus par le député péquiste de Bonaventure, Sylvain Roy, concernant le projet de cimenterie de Port-Daniel déçoivent. On pourrait même les qualifier d’inquiétants sachant qu’ils émanent de l’un de nos gouvernants les plus respectés.
En entrevue à GRAFFICI.CA, l’écologiste Bilbo Cyr, qui n’a pas besoin de présentation, déclarait que Sylvain Roy « est remarquablement absent » dans le dossier de la cimenterie. Bilbo Cyr disait vrai. Seulement voilà, le député n’a visiblement pas avalé cette flèche. En réaction, ce dernier s’est livré à une attaque aussi démagogique qu’insupportable sur les ondes de CHNC. On cite les bêtises du député : « Ils ne sont pas porteurs d’espoir », en parlant des écolos. Et d’ajouter : « Ils ne représentent pas l’ensemble de la population ». Ce n’est pas tout. En parlant de l’étude d’impact environnemental sur le projet qui venait tout juste d’être publiée, M. Roy notait que « ce n’est pas parfait, mais ça répond à l’ensemble des questionnements qui ont été faits ». Ce qui est faux. Il soulignait aussi que « ce projet-là sera générateur de bonheur collectif », en cela que les bénéfices sur la santé physique et mentale de la population seront supérieurs « aux méfaits associés à une certaine pollution industrielle ».
Non, ce n’est pas un backbencher ultraconservateur copain-copain avec Stephen Harper ou le très fréquentable Rob Ford qui a prononcé de telles choses, mais bien un député de centre gauche. D’une part, Roy vient de déclarer solennellement qu’il gouverne pour la majorité et que c’est « just too bad » pour les autres. On demandera des explications à sa patronne Pauline Marois lors de son prochain passage dans la région. D’autre part, Roy, qui vient de prendre une sérieuse option sur le prix citron politique de l’année dans le prochain bulletin des élus du Libre arbitre, indique que ce projet sera porteur de bonheur collectif. On veut bien le croire, mais semble-t-il qu’il n’ait pas lu certaines annexes de l’étude. On explique. L’étude d’impact environnemental note que les métaux lourds présents dans les matières premières (calcaire et additifs) et dans le combustible utilisé (le coke de pétrole) susceptibles d’être rejetés dans l’atmosphère sont notamment l’arsenic, le baryum, le béryllium, le cadmium, le chrome, le cuivre, le plomb, le mercure, le thallium et le zinc.
Des métaux qui ne correspondent pas tout à fait aux critères associés à une trempette pour Doritos, mais qui sont soumis à des normes. Souhaitons qu’elles soient respectées parce que pour ceux qui ne le savent, la dispersion dans l’air de l’équivalent d’une mine de crayon de béryllium peut contaminer un terrain de football. Vraiment? Demandez aux malades de la bérylliose de Murdochville (qui prennent une dizaine de médicaments par jour pour vivre au quotidien) ou encore au grand spécialiste de la question qui les a soignés au Colorado et à qui votre chroniqueur a déjà parlé du temps où la contamination dans cette ville minière faisait la manchette.
« Générateur de bonheur collectif », nous dit M. Roy. Tout le monde le souhaite, monsieur. Il est vrai que ce n’est pas très glamour d’émettre des bémols sur la place publique sur ce projet (on peut perdre des votes aux prochaines élections du fait que la population est largement en faveur), mais les écolos posent des questions que certains n’osent pas. Mieux vaut travailler en amont que de regretter en aval. C’est une des leçons qu’il faudrait retenir de la catastrophe humaine de Murdochville.