L’industrie touristique a besoin d’un électrochoc

Gilles Gagné, GRAFFICI, Gaspésie, janvier 2014

Le secteur touristique gaspésien a vécu une année moche en 2013, avec des baisses d’achalandage dans les établissements hôteliers de 2,7 % en juillet, de 1,4 % en août et de 8,2 % en septembre. Ce dernier chiffre fait particulièrement mal parce que c’est ce mois de transition qui « fait » les saisons pour les hôteliers.

C’est aussi en septembre que la Gaspésie reçoit généralement la plus grande proportion de touristes étrangers. Or, l’Europe vit encore des moments difficiles sur le plan économique et le secteur touristique en a subi plus que jamais les effets cette année.

Bien que le bilan mitigé de 2013 semble reposer sur une situation conjoncturelle, l’industrie touristique gaspésienne aura besoin de changer des aspects structurels de ce qu’elle offre aux visiteurs. Elle doit notamment se démarquer dans un contexte où une grande partie des clients potentiels ne regardent pas seulement au Québec pour trouver une destination de vacances; ils regardent la planète. La raison est simple : l’offre touristique à l’étranger est souvent compétitive avec ce qu’ils retrouvent proche de chez eux.

Les gens veulent du luxe, mais ils ne sont pas prêts à payer le prix. Alors, quand ils voient que c’est disponible ailleurs, notamment dans des pays en voie de développement, ils s’y rendent. Pour les convaincre de rester, il faut miser sur nos différences, sans trop hausser la facture. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est faisable. Ça demande beaucoup de travail, de la conviction, de la persévérance et un peu d’argent. Ces remarques s’appliquent autant à la restauration et l’hébergement qu’aux lieux d’interprétation et aux musées.

Il n’est pas clair encore que la sonnette d’alarme ait retenti ou, plus justement, qu’elle ait été entendue. C’est un peu comme si, lors de la plupart des saisons de la dernière décennie, le secteur touristique poussait un soupir de satisfaction quand les chiffres sont légèrement à la hausse, ou que la baisse est acceptable. On n’ose réveiller le géant du changement.

En 1997, l’électrochoc est venu d’une émission de Radio-Canada, Enjeux, qui a comparé, sans trop de subtilité, la Gaspésie et le Nouveau-Brunswick. Malgré quelques travers, notamment le fait qu’on comparait la Gaspésie à une province bénéficiant de subventions nettement supérieures à celles d’une région, le reportage mettait en lumière la nécessité de revamper l’hébergement en plusieurs endroits de la péninsule. Dans l’année qui a suivi, le gouvernement québécois a débloqué un budget d’un peu de plus de 6 millions de dollars pour améliorer les hôtels, motels et gîtes gaspésiens. L’effet a été presque instantané.

Le secteur privé s’est servi de l’aide disponible et il a sextuplé l’investissement total qui a atteint 40 millions de dollars. L’État a du même coup récupéré sa mise en taxes diverses. Nous sommes sans doute rendus à un stade similaire. Les deux principales locomotives touristiques gaspésiennes, le Parc national Forillon à Gaspé et le centre-ville de Percé, carburent au ralenti, la première en raison de coupes budgétaires du gouvernement conservateur à Ottawa et la seconde à cause de la nécessité de renouveler et d’adapter l’offre touristique au monde d’aujourd’hui.

Nous sommes à l’aube de 2014, une année préélectorale à Ottawa. Il serait judicieux que le secteur touristique gaspésien se mobilise pour sensibiliser, malgré le peu d’écoute démontrée à l’endroit de la Gaspésie par le premier ministre Stephen Harper et sa suite depuis 2006, ce niveau de gouvernement aux besoins de la péninsule. Il faudra avant tout insister sur le refinancement de Forillon et de Développement économique Canada, qui intervient beaucoup en tourisme.

Du côté de Québec, il faut profiter de la présence du ministre délégué au Tourisme, Pascal Bérubé, à l’entrée de la Gaspésie « touristique » pour échafauder un plan de réinvestissement en tourisme. L’annonce de 10 millions de dollars pour le tourisme d’hiver à la fin de novembre pourrait être de bon augure. Mais il faut plus. Le secteur touristique gaspésien a deux choix : attendre l’électrochoc, qui viendra d’on ne sait où, ou prendre les devants et concocter un plan crédible.

 

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