Pour la charte, contre l’islamophobie

Lorraine Paquet, Droit de parole, Québec, décembre 2013

N’importe quelle entreprise a le droit d’exiger une tenue de travail pour ses employés. Ainsi, les policiers ou les hôtesses de l’air portent l’uniforme. Chez Renault, c’est le « bleu de travail ». Dans le milieu des affaires, veston/cravate; on n’acceptera pas une employée au décolleté plongeant jusqu’au nombril (à moins d’être réceptionniste dans un club de danseuses). Personnellement, lorsque j’ai commencé à travailler dans les années 70, je portais toujours des jeans. À l’époque, ce vêtement, apanage des hippies, faisait mauvaise figure. Le directeur du personnel m’a demandé de m’habiller autrement. Ma crise d’adolescence étant passée, j’ai accepté, au lieu de ruer dans les brancards.

Le Québec se veut un état laïc, c’est-à-dire indépendant de toute confession religieuse (Robert). Donc, ni chrétien, ni juif, ni hindouiste, musulman, sikh, vaudou, shintoïste… Il n’appartient à aucune religion ou anti-religion. Neutralité, égalité et justice pour tous. Quelle merveille! En tant qu’employeur, le Québec, indépendant de toute confession religieuse, a le droit d’exiger la tenue vestimentaire qu’il désire pour ses employés. Or, il est strictement impossible d’être indépendant de toute confession religieuse et en même temps exhiber des signes religieux, qu’ils soient chrétiens, sikh, musulmans, juifs, hindouiste, vaudous, shintoïste… Ce serait d’un illogisme criant que seul l’attachement aveugle à la tradition ou la malhonnêteté intellectuelle amènerait à défendre. Imaginons le contraire. J’émigre au Maroc où je travaille pour la fonction publique. Je porte ma croix catholique dans le cou. On me demande de l’enlever. Serais-je assez ridicule pour refuser, m’insurger, protester, me débattre, tenter d’imposer ma croix aux Marocains, au nom de je ne sais quelle liberté? C’est à moi de m’adapter à mon pays d’adoption, non l’inverse. Les immigrants qu’on accueille au Québec retournent rarement chez eux. Et pour cause! Ils jouissent ici d’une meilleure qualité de vie tout en préservant leurs précieuses traditions, religieuses ou autres. On ne leur demande qu’une chose: respecter notre laïcité.

 

C’est trop?

 

Apparemment, oui, car un débat fait rage, avec, en vedette, le voile musulman. Il en résulte, hélas, que bien des québécois deviennent islamophobes. Le problème est entretenu par des articles, des émissions de radio/télé, internet, qui véhiculent des idées méprisantes et haineuses à partir fausses perceptions et de préjugés sans fondements. Désolant!

Toute phobie est maladive. Mais ça se soigne. En chassant l’ignorance. La laïcité n’empêche pas de s’instruire sur les religions. Si les québécois ouvraient leur esprit et partaient à la découverte de l’Islam, une des plus grandes richesses de l’humanité, le climat malsain qui règne actuellement chez nous serait bonifié. Je m’explique mal l’obscurantisme qui prévaut quand bibliothèques et librairies offrent de sérieux ouvrages sur les musulmans, et que le centre islamique de Québec est ouvert à tous. Comprendre l’autre est ce qui peut nous arriver de meilleur. Ça n’oblige en rien à accepter tous leurs points de vue, mais ça les explique. De quoi mettre de l’huile dans les engrenages grinçants pour un Québec laïc. Et pacifié.
 

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