Macadam Noël

Jean Dominique Rousseau, L’Écho de Saint-François, décembre 2013

Un itinérant dans l'itinéraire humain vagabonde lentement sur le trottoir de l'anonymat. Le baluchon plein de souvenirs, il erre au hasard du pavé des bonnes intentions. Du haut de cette vie-là, il longe dramatiquement le bord de la misère en titubant de son pas insécure sur sa dignité. Les pieds meurtris par ses godasses trouées, la main tendue et le sourire édenté, il implore chaleureusement la froide société. Les yeux de son coeur scrutent furtivement l'horizon en regardant la danse du temps qui passe de nuage en nuage. Le ciel se tamise d'un voile opalescent pendant que le vent chante sa liberté sur les branches dénudées des arbres givrés. Le désert blanc de la solitude envahit progressivement le dédale des rues de l'opulence où miroite comme une nuit étoilée, une multitude de lumières féeriques d'une beauté irréelle. En ce soir de salut pour l'humanité, sous les airs de richesses artificielles et de fêtes, la ville cache dans ses entrailles lacérées un véritable trésor.

Ce bijou unique et rare est un homme d'une sagesse proverbiale qui arpente discrètement dans son manteau de clochard, les sentiers enneigés d'un parc silencieux. Ce vénérable vieillard, un magicien dans l'âme a bourlingué ses talents de par le monde et ses numéros faisaient les délices de tous les enfants. De leurs émerveillements, il en tirait la plus belle des récompenses. Puis un jour, le jour le plus sombre de son existence, le malheur frappa si fort que ceux qu'il aimait passèrent dans l'autre monde, dans la dimension originelle du non-retour.

Depuis ce jour, il va se recueillir tout paisiblement sur un banc qui lui donne une vue imprenable sur le cimetière où reposent en paix les souvenirs d'une période de bonheur. Il ne voyait plus sa vie, il ne voyait plus la vie de la même manière, elle avait perdu son sens le plus profond et même sa fabuleuse magie n'y pouvait rien. C'est alors qu'il tourna son dévolu vers le plus grand des magiciens, le magicien des magiciens. L’ultime magicien lui demanda qu'une seule chose … la sincérité de croire en la vérité de ses tours, car croire c'est pouvoir. Il lui formula quatre conseils pour améliorer la grande magie de sa vie.

Le premier c'est l'oeil, car les yeux sont le miroir de l'âme et tout est dans le regard. Il faut apprendre à modifier sa manière de regarder tant la sublime beauté que l'effrayante laideur. Le deuxième c'est l'oreille, il faut être à l'écoute des autres, car toutes personnes nous apportent quelques choses pour faire un tout comme le maillon est indissociable de la chaîne. Le troisième c'est la langue, du cri primai au cri terminal, le dialogue avec son prochain, la communication du savoir, les mots réconfortants, mais Surtout et avant tout être une personne de parole. Le quatrième c'est le cœur, il bat au rythme divin de l'amour, il s'émeut dans la noble charité de donner, il vibre de la tendresse à la passion, il garde secrètement la porte de la conscience.

La quiétude du parc résonnait de l'appel mélodieux des cloches de la cathédrale avoisinante, minuit approchait à grands pas. Les flocons de neige tourbillonnaient et se posaient sur sa tête dénudée, instinctivement, il sortit se son vieux baluchon, son fidèle compagnon un haut-de-forme resplendissant, puis de ses mains crispées le posa sur ses genoux tremblotants.

Et en cette nuit de miracles, il exhala de son chapeau noir une colombe, il la vit dans sa splendeur, dans son symbole de paix, il l'écouta roucouler sa joie de vivre, lui parla de la paix et de son grand cœur la laissa s'envoler en paix dans le ciel de son espoir.

Dans son for intérieur, notre mage enchanteur pensa à cette nuit d'abondance en se disant que Noël c'est la vraie magie parce que la terre respire à plein poumon les bienfaits d'un tendre moment de paix. Il leva pieusement la tête vers le ciel puis scruta une étoile filante en marmonnant un vœu. Il ferma ses paupières… s'assoupit… et partit en paix.

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